Aperçu De La Vie De L'eminent Erudit M. Amin Sheikho (Que Dieu Soit Satisfait De Lui)
Une étoile scintillait sur le ciel de Damas en une nuit bénie de l'an 1890, lorsqu'un commerçant originaire de cette ville, accueillait son nouveau-né. Le père témoigna tellement d'affection pour ce fils, reflet d'une intelligence manifeste et dont la beauté était semblable à celle d'une pleine lune.
Dans son enfance, il était actif, intelligent, plein d’enthousiasme et de gaîté à tel enseigne qu'il faisait naître la sérénité et la joie de vivre dans les cœurs de ceux qui l’entouraient. Au fur et à mesure qu’il grandissait, il faisait montre d’une intelligence et d’une force de la personnalité accrue, ce qui l’élevait davantage aux yeux de ses parents. Ils l'adoraient, le soignaient, et lui témoignaient de l'affection et de la sympathie. Mais si tôt, alors qu'il était encore très jeune, la mort vint arracher son cher père après une longue maladie qui fit tant souffrir ce dernier.
La mort de ce père toucha énormément tous ceux qui le connaissaient car il laissait derrière lui une veuve et deux fils. M. Amin avait à peine sept ans lorsqu’il devait se charger de protéger sa mère, de la défendre et de la mettre à l'abri de tout mal qui pouvait arriver à la famille après le départ de son père dans l’au-delà, et le voyage de son frère aîné Salim pour la Turquie.
Bien que devenu orphelin, M. Amin se distinguait par sa patience face aux difficultés de la vie. Il a exercé une patience que même des hommes puissants n’ont pu, parce qu'il était membre d'une petite famille respectable ayant connu de nombreuses difficultés.
De par son honorable lignage rattaché à celui du grand Messager[2](pbl), M. Amin pouvait, en ce temps là, côtoyer les plus hautes autorités gouvernant l’État de Turquie, afin que sa famille puisse habiter dans le quartier Sarouja qui était appelé « Petit Istanbul », lieu de résidence des hommes d’État turcs à l’époque. Il eut l'avantage de poursuivre ses études à l'Ecole Royale Ottomane de Damas à Amber.
M. Amin acheva ses études à l’âge de dix-huit ans. Il sortit avec le grade d'officier de la sécurité. Il se distinguait de ses collègues par son courage exceptionnel, sa confiance, sa vérité, son ardeur au travail, sa persévérance et son travail remarquable. Il a dirigé plusieurs postes de police à Damas et est devenu directeur des comtés de cette ville.
Il était exemplaire car une fois qu’il prit fonction, la paix et la sécurité s’installèrent dans sa zone d’intervention.
Il était l’œil qui veille et l’arme par excellence dans la besace au service de l’État. En effet, Lorsque l’État était confronté à un criminel ou à un crime, l’on sollicitait généralement son intervention. Lorsque la crainte, le meurtre, la corruption et la criminalité se répandaient dans une région, il était l’espoir, le sauveur qui écartait le danger et libérait le peuple.
Lorsque l’État de Turquie commença à vivre sa décadence, et que la flamme de l’Islam s’éteignait, la corruption et le chaos sévissaient dans le pays tout entier jusqu’au point où le crime, ayant atteint son seuil critique, rendait la vie difficile. Le danger se vivait au quotidien et l'obscurité de la nuit inspirait la terreur: sauf à Damas, ses campagnes et sa banlieue car la sécurité y régnait grâce à l'œil vigilant d'un homme au cœur charitable, et dont les efforts visaient la paix.
Dans sa carrière d'officier, il a affronté avec courage et hardiesse de nombreux criminels, apaisé plusieurs guérillas et en a arrêté les leaders. Toutes ses œuvres ont été couronnées de victoire et de soutien. Il a alors été surnommé « Aslan » qui signifie « le lion » pour son audace face au danger. Comme il s'appuyait sur Dieu en tout, il était le seul officier qui a pu combattre l’injustice et le terrorisme de telle sorte que les criminels et les bandits venaient se rendre par crainte de sa bravoure, et solliciter sa justice, son pardon et son contentement.
Par conséquent, il grimpait de grade en grade et, ayant travaillé dans différents postes de police de Damas, il fut nommé directeur de cette citadelle abritant les entrepôts et les prisons. Il est demeuré à ce poste pendant une longue période au cours de laquelle il a posé des actes glorieux et a fait montre d'une bravoure inédite. Il s'est montré d'une grande audace lorsqu’il a libéré des milliers de prisonniers condamnés à mort et les a mis au premier rang pour combattre contre les infidèles ennemis de la nation. Son action était à l'origine du retrait du gibet planté par Jamal Pacha, le bourreau, dans les marchés et les quartiers du pays et qui, chaque jour, scellait le destin de centaines de jeunes gens. Pour cette raison, sa vie fut plusieurs fois risquée, mais Allah de Sa Grâce, de Sa Grande Puissance et Son Assistance, le sauva.
Pendant la période sous mandat français, comme il était officier de la sécurité publique, on le reconduisit à son poste de directeur du district ou chef d’un poste de police, fonction qu'il a exercée jusqu’à la grande révolution syrienne. En raison de son amour pour Dieu et son noble souhait de servir son pays, il était le bras de fer des révolutionnaires et le nerf de la révolution. Tout reposait entre ses mains. Et par sa grande expérience, il inquiétait les forces françaises surtout lorsqu’il changeait une retraite en victoire. Il a livré aux révolutionnaires le plus grand entrepôt d’armes de la France à la Grande Syrie.
La nuit, il faisait transporter aux révolutionnaires les armes que la France entreposait dans le château d’Anjar au Liban. Le général Catro, gouverneur de Syrie à l’époque, perdit la tête et demanda l’exécution de M. Amin. Toutefois, le Tout-Puissant le sauva, lui et son assistant à partir de Son Verbe, et il devint par la suite un homme de grande confiance pour eux en dépit de leur sentence erronée.
Lorsque M. Amin eut quarante ans, Dieu lui révéla Son Omniscience.
Il commença à vivre en témoin oculaire de la récitation du Prophète (pbl) de l'« Al-Fâtiha »[3], pendant sa prière (communication avec Dieu). Par la suite, il se mit à diriger ses disciples et portait tout haut le flambeau de l'orientation en toute force et dignité.
On l'appelait « Amin Bey » car « Bey » est un mot turc qui signifie « le pur ». Son salon était très souvent fréquenté par la fleur de la jeunesse de la Syrie, du Liban et d'Iraq, qui réclamait l’onction de son printemps mohammadien, si riche et généreux quand il était question de créer une atmosphère de grâce, d'élévation et de félicité.
Si les nobles actes étaient cités…
Dans nos horizons…
En vous l’exemple est donné…
Pour chacun d’entre nous…
Ses saintes assemblées se caractérisaient par d'exceptionnelles et attrayantes révélations dont le contenu, simple et riche, permettait d'entrevoir une totale réalité. Ses paroles atteignaient leur cible et retombaient calmement et paisiblement dans les cœurs de ceux qui l'écoutaient, alors qu’une lumière les traversant, permettait à leurs esprits de s’élever davantage.
Il effaça l’obscurité, résolut les contradictions et enfin oblitéra les écoles intrigantes et les arguments infondés qui ont créé dans la pensée des hommes un grand écart entre eux et leur Dieu. Il parlait aux hommes de l'existence de Dieu et magnifiait ses Attributs... un Dieu Miséricordieux, Compatissant, Sage, Juste, Pourvoyeur du profit, Donateur, un Dieu qui mérite d’être adoré car à lui appartiennent la beauté, la perfection et le dernier mot. Il est loué même dans le malheur car ce dernier est souvent une cure, un don. Il n’a point besoin ni de création ni de notre allégeance, ni même de notre obéissance car Il est Riche et nous sommes pauvres. Aussi, notre obéissance concourt à notre propre bien et profit. Nous devons L'avoir en nous afin d'entrer dans le règne lumineux de la foi, pour ainsi être protégé du malheur et de l’adversité.
La noble histoire de sa vie était une interprétation par excellence et un vrai plan d'une merveilleuse révélation qu’il devait transmettre. Cette révélation comportait des faits pour lesquels les genoux fléchissent. La réalité était une lumière, la forme une preuve et la vraie pratique un guide. Sa révélation n'avait point d'égale ni dans le monde des civilisations ni parmi les lois positives de la vie d'aujourd'hui.
Pourquoi sommes-nous créés?
Quel est le but de cet univers?
À quoi servent les rituels religieux?
À quoi servent le jeûne et sa rupture pendant le ramadan?
Quels sont le rendement et le bénéfice de la prière?
Pourquoi le pèlerinage dans le désert où il n’y a ni eau
ni arbre?
Pourquoi existons-nous?
D’où venons-nous?
Pourquoi la mort? Et que nous réserve l'au-delà?
Qu’est-ce que l’esprit?
Qu’est-ce que l’âme?
Qu’est-ce que la pensée?
Qu’est-ce que le Paradis?
Qu’est-ce que l’Enfer?
Qu’en est-il du problème du destin?
Qu’est-ce que c’est que le monde pré-matériel (le monde des esprits)?
Les interrogations sur des faits réels n’ont pas surgi dans les pensées des hommes parce qu'ils étaient si plongés dans le monde de tentation et ses déceptions qu’ils ont oublié de fouiller ses secrets dans les livres de l’existence.
Le célèbre savant anglais contemporain, Sir John Bennet, lors d'une de ses rencontres avec des savants occidentaux, disait: « En effet, toutes les Sciences que nous avons acquises n'atteignent pas le ciel de sciences que possède ce grand érudit de l’Orient. »
L'invitation (appel) à Dieu d'Amin est fondée sur une logique qui n'a jamais fait l'objet de discorde:
« Dis: Voici ma voie, j’appelle les gens (à la religion) d'Allah, moi et ceux qui me suivent, nous basant sur une preuve évidente. Gloire à Allah! Et je ne suis point du nombre des associateurs. »[4]
À la lumière de cet honorable Ayah (verset coranique), il se mit à appeler à la religion de Dieu. Pendant plus de trente ans, son appel est centré sur les points suivants:
1. Informer sur la consommation du Dieu Tout-Puissant, et prouver Sa Miséricorde à Son peuple obéissant et Sa Justice à l'égard de Sa création. Il réfutait tout ce qui était produit dans les pensées humaines ainsi que tout ce qui se disait en contradiction avec la Justice, la Clémence, la Miséricorde et toute autre consommation divines. Son guide était la parole de Dieu: « Et c'est à Allah qu'appartiennent les noms les plus beaux. Invoquez-Le par ces noms (Attributs) et laissez ceux qui profanent Ses noms: Ils seront rétribués pour ce qu'ils ont fait.»[5]
2. Révéler la mission accomplie des Messagers (pbt), dont la pureté d'âme et le caractère irréprochable sont attestés par Dieu dans son livre glorieux. Dieu fit d’eux des exemples suprêmes afin que le monde soit dirigé par eux, tel qu’il est écrit dans le livre intitulé: "infaillibilité des Prophètes".
3. Un livre dont pareil n'eut jamais été rédigé, réfutait toute allégation ou exégèse en désaccord avec la sublimité des Messagers et leur rang élevé, étayant ainsi la parole de Dieu qui dit: « Voila ceux qu’Allah a guidés: suis donc leur direction… »[6]
4. Appeler les hommes à se conformer aux honorables préceptes d'Allah afin d'être véritablement des hommes de piété (reflet de la lumière divine). Mettre en garde les hommes contre les égarements d'esprits, contre les dangers de la dépendance des paroles vaines et les ramener à l'écoute de la parole de Dieu: « Ceci ne dépend ni de vos désirs ni des désirs des gens du livre. Quiconque fait un mal sera rétribué pour cela, et ne retrouvera en sa faveur, hors d'Allah, ni allié ni secoureur. »[7].
Appeler également à la tradition du Prophète Mahomet (pbl) qui dit: « Celui qui possède le discernement est celui qui s’accuse lui-même et travaille pour ce qui vient après la mort, et l’infirme est celui qui suit ses caprices et demande à Dieu d'exaucer ses voeux. »
5. Diriger les hommes sur le chemin de la vraie foi, lequel est indiqué par le Messager (pbl) à ses nobles compagnons et se trouve dans le livre de Dieu. Nul n’aura le cœur rempli du plaisir de la foi qu'en se conformant à l'Ordre de Dieu, et en renonçant à ses propres désirs (à
Commettre le péché). Dieu en fait mention dans les saintes écritures:
«...Et quiconque croit en Allah, (Allah) guide son cœur…..»[8]
6. Révérer l’Envoyé de Dieu (pbl), Le glorifier et montrer la position de choix qu'Il occupe auprès d'Allah. Emuler le Prophète (pbl) dans sa façon d'aimer, et faire découvrir l'intérêt qu'on récolte à aimer cet esprit pur et chaste, en entrant dans le royaume d'Allah à travers Lui et mourir dans un esprit de croyance. Emuler le Prophète dans sa perfection en Dieu, comme l'enseigne le Verbe:
7. « Ceux qui croiront en lui, le soutiendront, lui porteront secours et suivront la lumière descendue avec lui; ceux-là seront les gagnants. »[9]
Cet homme pur a consacré un temps précieux à se battre dans le but de se rapprocher d'Allah. Et grâce à cette proximité, il a atteint les hauts rangs qui lui permirent d'accomplir ses devoirs. Il a réalisé de grands exploits, accompli des œuvres pieuses du saint combat humain et consenti d'énormes sacrifices humains pour que sa vie soit l'exemple parfait de comportement, de soutien du juste à travers des actes héroïques sans pareil qui ont vaincu et anéanti le mensonge.
Il a consacré sa noble vie au service des hommes. Il s'est battu contre la tendance de l'époque contre vents et marées. Les jours tristes de Damas furent changés, grâce à lui, en de beaux jours reluisant d'espoir, parés de ses œuvres et de la grâce bienveillante de ses sacrifices. Il travaillait sans répit. Ses paupières ne se fermaient que le temps d'une petite sieste lui permettant de voler au secours de ceux des humains qui étaient accablés par le chagrin, la tristesse et la souffrance; ne se souciant ni de la mort ni de la peine capitale ou de l’argent et des concessions qu’il a dû payer pour l'œuvre de Dieu. Il s'est retrouvé plusieurs fois sans un sou, malgré la fortune qu'il avait auparavant.
Il n’est pas surprenant qu'il ait reçu de Dieu cette révélation manifeste au cours d'une nuit sacrée, afin de témoigner du Règne de Dieu et d'être élevé en esprit dans le monde mohammadien sacré et noble qui lui était destiné de par sa véracité, ses efforts et ses sacrifices. De même, quiconque s'évertue à atteindre cet objectif et demeure véridique dans son amour et sa quête de Dieu et de son Messager (pbl), trouvera la porte ouverte pour lui ou tout autre fidèle disposé.
C’est ainsi qu'il a passé une vie digne, pleine de la connaissance de Dieu sans laquelle il n'aurait pas connu la paix du cœur, et sans laquelle les hommes ne peuvent atteindre le bonheur. Il était la lampe qui, grâce au livre de Dieu, éclairait le chemin des générations en quête du bonheur et la lanterne qui menait l’humanité à la félicité, à l'accomplissement, à la vertu et à une vie agréable aux yeux de Dieu, jusqu’au jour où il adhéra à la Grande Camaraderie en début du mois de Rabi’ Al-Thani de l’année hégirienne 1384 (1964 ap.J-C). Il fut inhumé au cimetière du Prophète de Dieu ‘Dhi Al- Kifl’ au quartier Al-Salhiyeh. Dieu dit: « Et qui profère plus belles paroles que celui qui appelle à Allah, fait bonne œuvre et dit: « je suis du nombre des Musulmans ».[10]