Introduction
Le point de départ de ce second essai sur les Bretons se résume à deux paragraphes du premier ouvrage :
« Ces Cymri (Bretons) venaient du “Pays de l’été” et plus précisément de “Deffrobani”. Ils traversèrent la mer “Tawch” (…) “Deffrobani”. Pour certains, ce terme désignait la presqu’île de l’actuelle Istanbul mais aucun manuscrit ne soutient une telle hypothèse. Pour d’autres, ce serait un dérivé du grec “Taprobana” qui désignait une île dans l’océan indien à l’époque où Alexandre avait atteint les Indes. Selon les auteurs, on parle de Ceylan ou de Sumatra (voire même de Bornéo). Cela commence à faire loin. Enfin, les Cymri sont des Indo-européens et ces îles lointaines n’ont jamais compté de population indo- européenne. »
Snowdonia, Pays de Galles. Photo : Ian Kelsall • Stoke-on-Trent/UK. Pixabay.com
On peut rappeler que les Bretons et les Cymry (Gallois actuels) parlent la même langue traditionnelle (bretonne et cymrique-welsh) et qu’ils se confondaient sur l’île de Grande-Bretagne au Ve siècle de notre ère. Les « Brezhoneg » traverseront la Manche et les « Cymraeg » resteront pour fonder le Pays de Galles.
Enfin, nous corrigeons une erreur : Deffrobani ne dérive pas du grec Taprobana. Le premier terme, cymrique, reste probablement antérieur à la terminologie grecque.
Les indices géographiques
Mégasthène
En 303 avant notre ère, Mégasthène (un diplomate d’Alexandre) visite le dirigeant Chandragupta Maurya et nous renseigne sur Taprobana. On résume les informations qu’il glana :
De nos jours, le pays de Prachii reste une énigme. On résume les options :
Concernant la seconde option, l’archéologie sait que des Protomalais mirent le pied à Bornéo 2500 ans avant notre ère et que leurs descendants apportèrent leur culture à Sumatra quatre siècles avant notre ère.
Dicéarque
On devra attendre l’ouvrage Periodos Ges de Dicéarque, un philosophe et géographe grec, pour situer l’île. La carte qui accompagnait probablement cette œuvre reste introuvable. Nous présentons une reconstitution en français même si notre tentative de retracer son auteur échoua.
Taprobana se situerait (sans plus de précision) au sud de la péninsule indienne. On peut rappeler qu’à l’époque de Dicéarque, l’Asie du Sud-Est et l’Indonésie restaient inconnues des Européens.
Ératosthène
Ératosthène, un philosophe et savant grec, précisera les dimensions de l’île : 7000
« stades » de long et 5000 de large. Il ajoutera que l’île n’abrite aucune ville mais compte 700 villages. À l’époque, le pays de Prachii ralliait Taprobana en 20 jours de navigation.
Comme unité pour le stade, nous considérerons la mesure d’Athènes à l’époque : 185 mètres. On parle donc d’une largeur de 1295 kilomètres et d’une largeur de 925 kilomètres. Enfin, on peut rappeler que les navires marchands de la Grèce antique pouvaient soutenir une vitesse moyenne de quatre nœuds. Comme l’Inde de l’époque ne pouvait rien envier à la Grèce, on parlerait donc d’une distance maritime de 890 kilomètres (1,852 km/h * 24 h * 20 j).
L’hypothèse géographique
Concernant le nom actuel de Taprobana, trois hypothèses s’affrontent : Sri Lanka (ex-Ceylan), Sumatra ou Bornéo.
Google Maps
La première île revendique 435 km du nord au sud (longueur) et 225 km dans sa plus grande largeur. La seconde mesure 1800 km sur l’axe nord-ouest/sud-est et 435 km de large. Enfin, la troisième mesure 1330 km du nord au sud et 960 km dans sa plus grande largeur. Si l’on considère les informations d’Ératosthène, une seule correspond au profil : Bornéo.
Considérons maintenant le second critère : un fleuve la partitionne. Du point de vue hydrographique moderne, le Sri Lanka compte quatre « Gangàs » (les fleuves les plus importants), Sumatra en revendique au moins deux et Bornéo en recense quatre. Enfin, aucun fleuve ne partitionne une de ces îles. Par contre, Bornéo peut se vanter d’abriter le plus long fleuve d’Indonésie : le Kapuas.
On aborde le troisième critère : les 20 jours de navigation (890 km) entre le pays de Prachii et Taprobana. Comme la distance maritime entre le Gujarat et le Sri Lanka dépasse déjà les 3000 kilomètres, on se retrouve dans l’obligation de localiser le pays d’origine des Malais.
Deux théories s’affrontent : celle du Yunnan (une province du sud-ouest de la Chine) et celle de Taïwan. La province (non maritime) de Yunnan se disqualifie car la candidate la plus proche (Bornéo) se trouve à 3000 km. Enfin, Taïwan ne fait guère mieux (2000 km) mais pourrait suggérer que les navires marchands malais pouvaient atteindre des vitesses moyennes supérieures à celles de la Grèce antique. Cela ne serait guère étonnant : les péninsules de l’Indonésie imposent de plus grands défis maritimes que les îles de la Méditerranée.
Les indices linguistiques
De nos jours, trois États souverains se partagent l’île de Bornéo : Brunei (un petit sultanat), la Malaisie au nord et l’Indonésie au sud