Histoire de l’Erudit by Mohammad Amin Sheikho - HTML preview

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Chapitre 3

Un Épisode D’une Enfance De Noblesse

Depuis sa tendre enfance, monsieur M. Amin avait une grande passion pour l’équitation.

Cependant, son père redoutait que son fils – alors âgé de cinq ans seulement – tombât du dos de la jument. Ainsi, il assigna à un palefrenier la charge d’empêcher son fils de monter à cheval.

Mais étant donné la perspicacité de ce petit garçon, la mesure adoptée par son père ne posa aucun problème. Ainsi, il se dirigea vers le valet et s’assit à ses côtés, puis se mit à lui tenir un discours divertissant, et de temps à autre, baillait sous prétexte de vouloir dormir, de façon à le faire succomber au sommeil pour parvenir à ses fins. L’homme ne put plus résister et il s’endormit. Alors tout doucement, il s’approcha de lui, et de sa petite main, s’empara paisiblement de la clé qui était accrochée à la ceinture du palefrenier. Ensuite il ouvrit la porte de l’étable.

Il prit soin de ne pas réveiller le palefrenier avec le bruit des sabots de l’animal pendant qu’il le faisait sortir de l’étable, en les recouvrant de morceaux d’étoffe. Il entraina la jument hors de l’étable, laissant l’homme totalement endormi, inconscient de ce qui se passait autour de lui. Puis, grâce à un mur bas, il monta à cheval et se lança dans une course contre le vent.

Il passa quelque temps à cavaler dans les parages et, ayant assouvi son désir, il rebroussa chemin et conduisit la jument dans l’étable de la même manière qu’il l’avait fait sortir. Ensuite, il referma la porte comme s’il n’avait rien fait et remit les clés à la ceinture du dormeur.

Cependant, d’étranges bruits provenant de l’intérieur de l’étable réveillèrent le valet. Et que ne fut son effroi lorsqu’il ouvrit la porte et vit le cheval tout en sueur! Il s’aperçut que le petit garçon l’avait fait sortir et commença lui aussi à transpirer. Son inquiétude s’accrut lorsqu’il se rendit compte que la jument, à cause de l’épuisement, était sur le point de mettre bas. En d’autres termes, la parturition allait être anormale. Il craignait d’être repris par le père de l’enfant, car ce fils, qui n’était qu’un enfant, avait pu le tromper lui, un adulte.

En effet, la mise bas de la jument se compliqua lorsqu’une partie de son petit se montra, et que le travail cessa suite à la fatigue causée par l’exercice d’avec le jeune garçon. Décontenancé et poussé par la panique, l’homme résolut de tirer le fœtus du ventre de sa mère par la force, quoique cet acte ait pu causer la mort de la jument et de son petit. Sur ces entrefaites, une voix inattendue retentit à ses oreilles: « Arrête! »

C’était le garçon. Il cria sur le palefrenier, s’enfuit et disparut, mais revint aussitôt avec quelques haillons. Il en fit une corde, attacha le fœtus avec l’un des deux bouts et fixa l’autre à une lourde pierre qu’il laissa pendre vers le sol. Ce léger poids permit au fœtus de sortir normalement sans se faire mal et sans causer des déchirures à sa mère.

La jument put ainsi donner naissance à son poulain en toute sécurité.

A l’âge de six ans, ce petit garçon accomplit une autre action qui dépassait l’entendement.

L’inquiétude que nourrissait son père de le voir tomber du dos de la jument ne l’avait jamais quittée. C’est pourquoi il était strict lorsqu’il donnait l’ordre au palefrenier de ne pas laisser le petit garçon monter à cheval. Par conséquent, ce petit génie prit son fidèle bouledogue, alla rencontrer le sellier pour seller son chien de la même manière que les chevaux sont sellés.

Debout face au sellier, il lui demanda de seller son chien. Quand le sellier l’entendit, il lui fit cette réponse en riant:

« Oh fiston! C’est un chien, pas un cheval! Un chien peut-il être sellé?! »

Néanmoins, la réplique du garçon fut ferme: « Ne veux-tu pas un salaire pour ce travail? »

Alors il lui donna une forte somme d’argent.

Là-dessus, l’homme se mit à seller le chien pour lui comme on sellerait des chevaux.

Par la suite, le petit garçon put dompter ce chien agile, le dressa pour le monter et commença à l’entraîner à courir vite au point de devancer le plus svelte des chiens courants. Hélas! Une chose pareille avait suscité la rancœur chez les propriétaires de ces derniers. Peu de temps après, ceux-ci rendirent son chien aveugle par les balles de carabine qu’ils lui avaient tiré dans les yeux.