Histoire de la Réformation du Seizième Siècle_Vol 3 by Jean-Marie Merle D'Aubigne - HTML preview

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Histoire de la Réformation du Seizième Siècle

« A moi, écrivit-il à Anémond de Coct, à moi a été imposé silence de prêcher sur peine de mort [23]. » Ces menaces des adversaires épouvantèrent ceux même dont de rang. Je pense donc que celui de négociateur qui lui est donné ailleurs se rapporte à son activité; il se pourrait néanmoins qu'il fût un grand négociant de Lyon. On avait le plus espéré. L'avocat du roi et d'autres amis de l'Évangile ne montrèrent plus que froideur plusieurs retournèrent au culte romain, prétendant adorer Dieu spirituellement dans le secret de leur cœur, et donner aux rites extérieurs du catholicisme une signification spirituelle; triste illusion, qui entraîne d'infidélité en infidélité [24]. Il n'est aucune hypocrisie qu'on ne puisse ainsi justifier.

L'incrédule, au moyen de ce système de mythes et d'allégories, prêchera Christ du haut de la chaire chrétienne; et le sectateur d'une superstition abominable parmi les païens, saura, avec un peu d'esprit, y trouver le symbole d'une idée pure et élevée. En religion, la première chose, c'est la vérité. Quelques-uns des chrétiens de Grenoble, parmi lesquels se trouvaient Amédée Galbert et un cousin d'Anémond, demeurèrent cependant fermes dans leur foi [25].

Ces hommes pieux se réunissaient secrètement avec Sebville, tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, et confabulaient ensemble de l'Évangile. On se rendait dans quelque retraite éloignée; on arrivait de nuit chez un frère; on se cachait pour prier Jésus-Christ, comme des brigands pour mal faire. Plus d'une fois une fausse alerte venait jeter l'alarme dans l'humble assemblée. Les adversaires consentaient à fermer les yeux sur ces conventicules secrets, mais ils avaient juré que le feu des bûchers ferait justice de quiconque oserait s'entretenir publiquement de la Parole de Dieu [26]'.

C'est dans ces circonstances que messires Du Blet et Papillion arrivèrent à Grenoble. Voyant que Sebville y avait la bouche fermée, ils l'exhortèrent à venir prêcher Christ à Lyon. Le carême de l'année suivante devait présenter une occasion favorable pour l'annoncera une foule nombreuse. Michel d'Arande, Maigret, Sebville se proposaient de combattre à la tête des phalanges de l'Évangile. Tout se préparait ainsi pour une éclatante manifestation de la vérité dans la seconde ville de France.

Le bruit de ce carême évangélique se répandit jusqu'en Suisse : Sebville est délivré et prêchera le carême à Saint-Paul, à Lyon, » écrivit Anémond à Farel [27]. Mais un grand désastre, en portant le trouble dans toute la France, vint empêcher ce combat spirituel. C'est dans la paix que l'Evangile fait ses conquêtes. La défaite de Pavie qui eut lieu au mois de février, fit échouer ce plan hardi des réformateurs.

Cependant, sans attendre Sebville, dès le commencement de l'hiver, Maigret prêchait à Lyon le salut par Jésus-Christ seul, malgré la vive opposition des prêtres et des moines [28]. Il n'était plus question dans ces discours, du culte des créatures, des saints, de la Vierge, et du pouvoir des prêtres.

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Histoire de la Réformation du Seizième Siècle Le grand mystère de piété, « Dieu manifesté en chair,» était seul proclamé. Les anciennes hérésies des pauvres de Lyon reparaissent, disait-on, plus dangereuses que jamais ! Malgré cette opposition, Maigret continuait son ministère; la foi qui animait son âme se répandait en puissantes paroles : il est de la nature de la vérité, d'enhardir le cœur qui l'a reçue'.

Cependant Rome devait avoir le dessus à Lyon comme à Grenoble. En présence de Marguerite, Maigret fut arrêté, traîné dans les rues et jeté en prison. Le marchand Vaugris, qui quitta alors cette ville pour se rendre en Suisse, en répandit la nouvelle sur son passage. On en fut étonné, abattu. Une pensée rassura pourtant les amis de la Réforme : « Maigret est pris, disait-on, mais madame d’Alençon y est loué soit Dieu [29] ! »

On dut bientôt renoncer à cette espérance. La Sorbonne avait condamné plusieurs propositions de ce fidèle ministre [30]. Marguerite, dans une situation toujours plus difficile, voyait croître en même temps la hardiesse des amis de la Réformation et la haine des puissants. François 1er commençait à s'impatienter du zèle de ces évangélistes; il voyait en eux des fanatiques qu'il était bon de réprimer. Marguerite, ainsi ballottée entre son désir d'être Utile à ses frères et son impuissance pour les sauver, leur fit dire de ne pas se jeter sur de nouveaux écueils, attendu qu'elle n'écrirait plus au roi en leur faveur. Les amis de l'Évangile crurent que cette résolution n'était pas irrévocable. « Dieu lui donne grâce, dirent-ils, de dire et écrire seulement ce qui est nécessaire aux pauvres âmes [31].» Mais si ce secours humain leur est ôté, Christ leur reste. Il est bon à l'âme d'être dépouillée de tout secours, afin qu'elle ne s'appuie, que sur Dieu seul.

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FOOTNOTES

[1] Le prince qui avoit eongnoissance lie l'Évangile. (Farel, Sommaire.)

[2] Summaire, c'est-à-dire, briève déclaration « de G. Farel, dans l'épilogue.

[3] Ibid.

[4] Étant requis et demandé du peuple et du consentement du prince. (Ibid.)

[5] Ibid.

[6] Avec l'invocation du nom de Dieu. (Ibid.)

[7] Leoninam magnanimitatem colnmbina modestia frangas. (Ecol. Kpp., p. 198.)

[8] C'est la comparaison dont se sert un ami de Farel, pen dant son séjour à Montbéliard... Strenuum et oculatum imperatorem, qui iis etiam animum facias qui in acie versantur (Tossanus Farello. Manus. du concl. de Neuch., a sep. 15a4.) 361

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[9] Tumultuatur et Burgundia nobis proxima, perPhal licum quemdam Gallum qui e Gallia profugus. (Er. Epp., p. 809.)

[10] Suppullulare qui omnes conatus adferant, quo possit Ghristi rcgnum quam latissimc patere. (Manuscrit de Neuchâ tel, 2 août 15?.4-)

[11] Quod in Galliis omnibus sacrosanctum Dei verbum in dies magis ac magis elucescat. (Ibid.)

[12] Factio crescit in dies latius, propagata in Sabaudiam, Lothoringiam, Franciam.

(Er. Epp., p. 809.)

[13] De Sebville à Coct, du a8 décembre 15a4. (Manuscrit du conclave de Neuchâtel.)

[14] Elle a un docteur de Paris appelé maître Michel Eley mosinarius, lequel ne prêche devant elle que purement l'Evangile. (Sebville à Coct. Manuscrit de Neuchàtel.)

[15] Ibid.

[16] Ibid.

[17] Ibid.

[18] Arandius prêche à Mascon. (Coct à Farel, décembre 1524. Manuscrit de Neuchâtel.)

[19] II y a eu deux grands personnages à Grenoble. (Ibid.) Le titre de messire donné ici à Du Blet indique une personne

[20] Conjicere potes ut post Macretum et me in Sebivillam exarserint. (Anémond à Farel, 7 septembre 1524. Manuscrit de Neuchâtel.)

[21] Les Thomistes ont voulu procéder contre moi par inqui sition et caption de personne. (Lettre de Sebville. Ibid.)

[22] Si ce ne fut certains amis secrets, je estois mis entre les mains des Pharisiens., (Ibid.) ,

[23] Ibid.

[24] Non solum tepedi sed frigidi. (Manuscrit de Neu châtel. )

[25] Tuo cognato, Amedeo Galberto exceptis. (Ibid.)

[26] Mais de en parler publiquement, il n'y pend que le feu. (Manuscrit deNeuchâtel.)

[27] Le samedi des Quatre-Temps (décembre 1524- Ibid.).

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[28] Pour vray Maigret a prêché à Lion, maulgré les prêtres et moines. (Ibid.)

[29] Manuscrit de Neuchâtel.

[30] Histoire de François 1er, par Gaillard, tom. IV., p. 233.

[31] Pierre Toussaint à Fard, Bâle, 17 décembre 1 5a4- (Ma nuscrit de Neuchâtel.j 363

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle CHAPITRE XII.

Cependant les efforts des amis de l'Évangile en France étaient paralysés. Les puissants commençaient à devenir hostiles au christianisme; Marguerite s'effrayait; de terribles nouvelles allaient passer les Alpes et jeter coup sur coup le royaume dans le deuil, n'y laissant plus qu'une seule pensée, sauver le roi, sauver la France

!... Mais si les chrétiens de Lyon étaient arrêtés dans leurs travaux, n'y avait-il pas à Bâle des soldats échappés à la bataille, et prêts à la recommencer ? Les exilés de la France ne l'ont jamais oubliée. Chassés pendant près de trois siècles de leur patrie par le fanatisme de Rome, on voit leurs derniers descendants porter aux villes et aux campagnes de leurs pères, les trésors dont le pape les prive. Au moment où les soldats de Christ en France jetèrent avec tristesse leurs armes, les réfugiés de Bâle se préparèrent au combat. Envoyant chanceler dans les mains de François 1er lui-même, la monarchie de saint Louis et de Charlemagne, les Français ne se sentiront ils pas appelés à saisir le royaume qui ne peut point être ébranlé [1]?

Fard, Anémond, d'Esch, Toussaint et leurs amis formaient en Suisse une société évangélique dont le but était de sauver leur patrie des ténèbres spirituelles. On leur écrivait de tous côtés que la soif de la Parole de Dieu croissait en France' [2]; il fallait en profiter, arroser et semer pendant que le temps des semailles était là.

Ecolampade, Zwingle, Oswald Myconius ne cessaient de les y encourager. Ils leur serraient les mains et les inspiraient de leur foi. Le maître d'école suisse écrivait en janvier 1525 au chevalier français :

« Bannis comme vous l'êtes de votre patrie par la tyrannie de l'Antéchrist, votre présence même au milieu de nous prouve que vous avez agi avec courage pour la cause de l'Évangile. La tyrannie des évêques chrétiens obligera enfin le peuple à ne voir en eux que des menteurs. Demeurez ferme; le temps n'est pas éloigné où nous entrerons dans le port du repos, soit que les tyrans nous frappent, soit qu'ils soient eux-mêmes frappés [3]; et tout alors sera bien pour nous, pourvu que nous soyons fidèles à Jésus Christ. »

Ces encouragements étaient précieux aux réfugiés français; mais un coup parti de ces chrétiens mêmes de Suisse et d'Allemagne, qui cherchaient à les fortifier, vint alors déchirer leur cœur. Echappés à peine aux bûchers, ils virent avec effroi les chrétiens évangéliques d'outre -Rhin troubler le repos dont ils jouissaient, par de déplorables discordes. Les discussions sur la cène avaient commencé. Émus, agités, éprouvant un vif besoin de charité, les Français eussent tout donné pour rapprocher les esprits divisés. Cette pensée devint leur grande pensée. Personne n'eut autant qu'eux, à l'époque de la Réformation, le besoin de l'unité chrétienne; Calvin en fut plus tard la preuve. « Plût à Dieu que je pusse acheter la paix, la concorde et l'union en Jésus-Christ, de tout mon sang, lequel ne vaut guère [4], » disait Pierre 364

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle Toussaint. Les Français, doués d'un coup d'œil juste et prompt, comprirent aussitôt que la discussion naissante arrêterait l'œuvre de la Réforme.

« Tout se porterait mieux que beaucoup ne pensent, si nous étions d'accord. Il y a beaucoup de gens qui viendraient volontiers à la lumière; mais quand ils voient ces divisions entre les clercs, ils demeurent confus [5]. »

Les Français eurent les premiers la pensée de démarches de conciliation. «

Pourquoi, écrivaient-ils de Strasbourg, n'envoie-t-on un Bucer ou quelque autre homme savant vers Luther? Plus on attendra et plus les dissensions deviendront grandes.» Ces craintes ne firent que s'accroître [6].

Enfin, voyant leurs efforts inutiles, ces chrétiens détournèrent avec douleur leurs regards de l'Allemagne et les arrêtèrent uniquement sur la France.

La France, la conversion de la France, voilà ce qui occupa dès lors exclusivement le cœur de ces hommes généreux que l'histoire, qui a inscrit sur ses pages tant de notas enflés vainement de leur propre gloire, depuis trois siècles n'a pas même nommés. Jetés sur une terre étrangère, ils y tombaient à genoux, et chaque jour, dans le silence de la retraite, ils invoquaient Dieu pour le pays de leurs pères [7]. La prière, voilà la puissance par laquelle l'Evangile se répandait dans le royaume, et le grand moyen de conquête de la Réformation.

Mais ces Français n'étaient pas seulement des hommes de prière : jamais l'armée évangélique ne compta des combattants plus prompts à payer de leur personne, à l'heure du combat. Ils comprenaient l'importance de remplir des saintes Ecritures et de livres pieux, leur patrie encore toute pleine des ténèbres de la superstition. Un esprit de recherche soufflait sur tout le royaume; il fallait offrir partout des voiles au vent. Anémond, toujours prompt à l'œuvre, et un autre réfugié, Michel Bentin, résolurent d'associer leur zèle, leurs talents, leurs moyens, leurs travaux. Bentin voulait fonder une imprimerie à Bâle, et le chevalier profité du peu d'allemand qu'il savait, pour traduire en français les meilleurs livres de la Réformation. Ah!

disaient-ils, dans la joie que leur projet leur inspirait, plût à Dieu que la France fût toute remplie de volumes évangéliques, en sorte que partout, dans les cabanes du peuple, dans les palais des grands, dans les cloîtres, dans les presbytères, dans le sanctuaire intime des cœurs, il fût rendu un puissant témoignage à la grâce de Jésus-Christ [8]. »

Il fallait des fonds pour une telle entreprise, et les réfugiés n'avaient rien. Vaugris était alors à Bâle; Anémond lui remit, à son départ, une lettre pour les frères de Lyon, dont plusieurs étaient riches des biens de la terre, et qui, quoique op primés, étaient toujours fidèles à l'Évangile; il leur demandait de lui envoyer quelque secours [9]; mais cela ne devait pas suffire; les Français voulaient établir à Bâle plusieurs presses, qui travail lassent nuit et jour, de manière à inonder la France de 365

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle la Parole de Dieu [10]. A Meaux, à Metz, ailleurs encore, se trouvaient des hommes assez riches et assez puissants pour aider à cette entreprise. Nul ne pouvait s'adresser aux Français avec autant d'autorité que Farel; aussi fut-ce vers lui qu'Anémond se tourna [11].

II ne paraît pas que l'entreprise du chevalier se soit réalisée; mais l'œuvre se fit par d'autres. Les presses de Bâle étaient constamment occupées à imprimer des livres français; on les faisait par venir à Farel, et Farel les introduisait en France avec une incessante activité. L'un des premiers écrits envoyés par cette société de livres religieux, fut l’Exposition de l'Oraison dominicale, par Luther. Nous vendons, écrivit le marchand Vaugris à Farel, la pièce des Pater, 4 deniers de Bâle, à menu; mais en gros, nous vendons les 200 deux florins, qui ne se montent pas tant [12]. »

Anémond envoyait de Bâle à Farel tous les livres utiles qui y paraissaient ou qui y arrivaient d'Allemagne; c'était un écrit sur l'institution des ministres de l'Évangile, un autre sur l'éducation des enfants. Farel examinait ces ouvrages; il composait, traduisait ou faisait traduire en français, et il semblait être à la fois tout à l'action, et tout au travail de cabinet; Anémond pressait et soignait l'impression; et ces épîtres, ces prières, ces livres, toutes ces feuilles légères étaient les moyens de régénération du siècle. Tandis que la dissolution descendait du trône, et les ténèbres des marches de l'autel, ces écrits inaperçus répandaient seuls dans la nation des traits de lumière et des semences de sainteté.[13]

Mais c'était surtout la Parole de Dieu que le marchand évangélique de Lyon demandait au nom de ses compatriotes. Ce peuple du seizième siècle, avide d'aliments intellectuels, devait recevoir dans sa propre langue ces monuments antiques des premiers âges du monde, où respire le souffle nouveau de l'humanité primitive, et ces saints oracles des temps évangéliques, où éclate la plénitude de la révélation de Christ. Vaugris écrivit à Farel : « Je vous prie, s'il était possible qu'on fît translater le Nouveau Testament, à quelque homme qui le sût bien faire, ce serait un grand bien pour le pays de France, Bourgogne et Savoie. Et se il faisait besoin d'apporter une lettre française (caractères d'imprimerie), if je la ferais apporter de Paris ou de Lyon; et si nous en avons à Bâle qui fût bonne, tant mieux vaudrait. »

Lefèvre avait déjà alors publié à Meaux, mais d'une manière détachée, les livres du Nouveau Testament en français. Vaugris demandait quel qu'un qui revît le tout et en soignât une édition complète. Lefèvre s'en chargea et il la publia, comme nous l'avons déjà dit, le 12 octobre 1524 Un oncle de Vaugris, nommé Conrard, réfugié à Bâle, en fit aussitôt venir un exemplaire. Le chevalier de Coct se trouvant chez un ami, le 18 novembre, y vit le livre, et il en fut rempli de joie. Hâtez-vous de le faire réimprimer, dit-il, car je ne doute pas que très-grand nombre ne s'en dépêche [14]. »

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Histoire de la Réformation du Seizième Siècle Ainsi, la Parole de Dieu était présentée à la France, en opposition aux traditions de l'Église, que Rome ne cesse encore de lui offrir. « Comment distinguer, disaient les réformateurs, ce qui se trouve de l'homme dans les traditions, de ce qui s'y trouve de Dieu, sinon par les Écritures de Dieu? Les sentences des Pères les décrétais des chefs de l'Église, ne peuvent être a les règles de notre foi. Elles nous montrent quel a été le sentiment de ces anciens docteurs; mais la Parole seule nous apprend quel est le senti ment de Dieu. Il faut tout soumettre à l'Écriture. [15]»

Voici le principal moyen par lequel ces écrits se répandaient. Farel et ses amis remettaient les livres saints à quelques merciers ou colporteurs, hommes simples et pieux, qui, chargés de leur précieux fardeau, s'en allaient de ville en ville, de village en village, de maison en maison, dans la Franche-Comté, la Lorraine, la Bourgogne et les provinces voisines, heurtant à toutes les portes. On leur livrait ces volumes à bas prix, afin qu'ils prissent appétit à les vendre. » Ainsi, dès t 5a4, il se trouvait à Bâle pour la France une société de Bibles, de colportage et de traités religieux. C'est une erreur de croire que ces travaux ne datent que de notre siècle; ils remontent, dans leur idée essentielle, non-seulement aux temps de la Réformation, mais encore aux premiers âges de l'Église.

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FOOTNOTES

[1] Hébreux, XII, 28.

[2] Gallis verborum Dei sitientibus. (Coctus Farello, a sep tembre 1 5a4. Manuscrit de Neuchâtel.)

[3] Non longe abest enim, quo in portum tranquillum per veniamus . . (Oswald Myconius à Anémond de Coct. Ibid.J

[4] Du 21 décembre 15a5. (Manuscrit du conclave de Neu châtel.)

[5] Ibid.

[6] Multis jain christianis Gallis dolet, quod a Zwinglii alio i iimque de Eucharistia sententia, dissentiat Lutherus. (Tos sanus Farello, 1 4 juillet 1525.)

[7] Quam sollicite quotidianis precibus cômmendem. (Tos sanus Farello, 2

septembre 15a4- Manuscrit de Neuchâtel.)

[8] Opto enim Galliam Evangelicis voluminibus abundare. (Coctus Farello.

Manuscrit de Neuchâtel.)

[9] Ut pecuniae aliquid ad me mittant. (Ibid.)

[10] Ut praela multa erigere possimus. (Ibid.)

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Histoire de la Réformation du Seizième Siècle

[11] An censés inveniri posse Lugduni, Meldse, aut alibi iu Galliis qui nos ad hsec juvare velint. (Ibid,)

[12] Vaugris à Farel; Bâle, 29 août 1 (Manuscrit de Neu châtel.)

[13] Mitto tibi librum de instituendis ministris Ecclesiae cum libro de instituendis pueris. (Coctus Farello, 2 sept. 15a/|. Ibid.)

[14] Manuscrit du conclave de Neuchâtel.

[15] Vaugris à Farel. (Manuscrit de Neuchâtel.)

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Histoire de la Réformation du Seizième Siècle CHAPITRE XIII.

L'attention que Farel donnait à la France ne le détournait pas des lieux où il vivait.

Arrivé à Montbéliard vers la fin de juillet 1524, il y avait à peine répandu la semence, que, comme s'ex prime Écolampade, les prémices de la moisson commençaient déjà à paraître. Farel, tout joyeux, l'écrivit à cet ami. « Il est facile, répondit le docteur de Bâle, de faire entrer quelques dogmes dans les oreilles des auditeurs; mais changer leur cœur est l'œuvre de Dieu seul [1]. »

Le chevalier de Coct, ravi de ces nouvelles, se rendit avec sa vivacité ordinaire chez Pierre Toussaint. « Je pars demain pour aller voir Farel, » dit-il précipitamment à Toussaint. Celui-ci, plus calme, écrivait à l'évangéliste de Montbéliard: « Prenez garde, disait-il à Farel; c'est une grande cause que celle que vous soutenez; elle ne veut pas être souillée par des conseils d'hommes. Les puissants vous promettent leur faveur, leur secours, des monts d'or... Mais se confier en ces choses, c'est déserter Jésus-Christ et marcher dans les ténèbres [2]. » Toussaint terminait cette lettre quand le chevalier entra; celui-ci la prit et partit pour Montbéliard.

Il trouva toute la ville dans une grande agitation. Plusieurs des grands, effrayés, disaient en regardant dédaigneusement Farel : Que nous veut ce pauvre hère? Plût à Dieu qu'il ne fût jamais venu! Il ne peut rester ici, car il nous perdrait tous avec lui. » Ces seigneurs réfugiés à Mont biliard avec le duc craignaient que le bruit qui accompagnait partout la Réformation attirant sur eux l'attention de Charles-Quint et de Ferdinand, ils ne fussent chassés de leur dernier asile. Mais c'était surtout le clergé qui résistait à Farel. Le gardien des franciscains de Besançon était accouru à Montbéliard et avait formé un plan de défense avec le clergé du lieu. Le dimanche suivant, Farel avait à peine commencé à prêcher, qu'on l'inter rompit, l'appelant un menteur et un hérétique.

Aussitôt toute l'assemblée fut en émoi. On se levait, on demandait silence. Le duc accourut, fit saisir le gardien et Farel, et ordonna au premier, ou de prouver ses accusations ou de les rétracter. Le gardien choisit ce dernier parti, et un rapport officiel fut publié sur toute cette affaire [3].

Cette attaque enflamma encore plus Farel; il crut dès lors devoir démasquer sans ménagement ces prêtres intéressés; et tirant le glaive de la Parole, il en frappa des coups vigoureux. Il était plus porté à imiter Jésus, quand il chassait du temple les vendeurs et les changeurs, et renversait leurs tables, que quand l'esprit prophétique lui rendait ce témoignage : Il ne conteste point, il ne crie point, on n'entend point sa voix dans les rues. » Écolampade fut effrayé. On trouvait en ces deux hommes deux types parfaits de deux caractères diamétralement opposés, et pourtant tous deux dignes d'admiration. Vous avez été envoyé, écrivit Écolampade à Farel, pour attirer doucement les hommes à la vérité et non pour les y traîner avec violence, pour 369

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle évangéliser et non pour maudire. Les médecins ne se servent des amputations que lorsque les applications sont inutiles. Comportez-vous en médecin, et non en bourreau. Ce n'est pas assez pour moi v que vous soyez doux envers les amis de la Parole, il vous faut encore gagner ses adversaires. Si les loups sont chassés de la bergerie, que les brebis du moins entendent la voix du berger. Versez l'huile et le vin dans les blessures, et conduisez- vous en évangéliste, et non en juge et en tyran

[4]. »

Le bruit de ces travaux se répandait en France et en Lorraine, et l'on commençait à s'alarmer à la Sorbonne et chez le cardinal, de cette réunion de réfugiés de Bâle et de Montbéliard. On eût voulu rompre une alliance inquiétante; car l'erreur ne connaît pas de plus grands triomphes que d'attirer à elle quelque transfuge. Déjà Martial Mazurier et d'autres avaient procuré à la papauté gallicane la joie que donnent de honteuses défections; mais si l'on parvenait à séduire l'un de ces confesseurs de Christ, réfugiés sur les bords du Rhin, qui avaient beaucoup souffert pour le nom du Seigneur, quelle victoire pour la hiérarchie pontificale! Elle dressa donc ses batteries, et ce fut au plus jeune qu'elle visa.

Le primicier, le cardinal de Lorraine et tous ceux qui se réunissaient aux cercles nombreux tenus chez ce prélat, déploraient le triste sort de ce Pierre Toussaint qui leur avait donné tant d'espérances. Il est à Bâle, disait-on, dans la maison même d'Ecolampade, vivant avec l'un des chefs de l'hérésie! On lui écrivait avec ferveur et comme s'il se fût agi de le sauver de la condamnation éternelle. Ces lettres tourmentaient le pauvre jeune homme, d'autant plus qu'il ne pouvait s'empêcher d'y reconnaître une affection qui lui était chère [5]. L'un de ses parents, probablement le primicier lui-même, le sommait de se rendre à Paris, à Metz, ou en quelque lieu que ce fût au monde, pourvu que ce fût loin des Luthériens.

Ce parent, qui savait tout ce que Toussaint lui devait, ne doutait pas qu'il n'obéit aussitôt à ses ordres; aussi, quand il vit ses efforts inutiles, son, affection se changea-t-elle en une violente haine. En même temps cette résistance exaspéra contre le jeune réfugié toute sa famille et tous ses amis. On se rendit auprès de sa mère, qui était sous la puissance du capuchon [6];» les prêtres l'entourèrent, l'effrayèrent, lui persuadèrent que son fils avait commis des actions que l'on ne pouvait dire qu'avec horreur. Alors cette mère désolée écrivit à son fils une lettre touchante, pleine de larmes, » dit-il, et où elle lui peignait d'une manière déchirante tout son malheur. Ah! Malheureuse mère, disait-elle, ah! Fils dénaturé! Maudit soit le sein qui t'a allaité, et maudits soient les genoux qui t'ont reçu [7] ! »

Le pauvre Toussaint était consterné. Que faire ? Retourner en France, il ne le pouvait. Quitter Bâle pour se rendre à Zurich ou à Wittemberg, hors de la portée des siens; il eût ainsi augmenté leur peine. Écolampade lui suggéra un terme moyen

: « Quittez ma maison, » lui dit-il [8]. Il quitta en effet Ecolampade, le cœur plein de 370

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle tristesse, et alla demeurer chez un prêtre ignorant et obscur [9], bien propre à rassurer ses parents. Quel changement pour Toussaint! Ce n'était qu'à table qu'il rencontrait son hôte. Ils ne cessaient alors de débattre sur les choses de la foi; mais, le repas fini, Toussaint courait de nouveau s'enfermer dans sa chambre, et là, seul, loin du bruit et des disputes, il étudiait avec soin la Parole de Dieu. « Le Seigneur m'est témoin, disait-il, que je n'ai, dans cette vallée de larmes, qu'un désir, celui de voir le règne du Christ se répandre, en sorte que tous, d'une seule bouche, glorifient Dieu [10]. »

Une circonstance vint consoler Toussaint. Les ennemis de l'Évangile devenaient toujours plus forts dans Metz. Sur ses instances, le chevalier d'Esch partit, dans le courant de janvier de l'an 1515, pour fortifier les chrétiens évangéliques de cette ville; il traversa les forêts des Vosges et arriva sur les lieux où Leclerc avait donné sa vie, apportant avec lui plusieurs livres dont l'avait fourni Farel [11]. Ce n'était pas seulement sur la Lorraine que les réfugiés français tournaient leurs regards. Le chevalier de Coct recevait des lettres de l'un des frères de Farel, qui lui dépeignaient, sous de sombres couleurs, l'état du Dauphiné. Il se gardait bien de les montrer, de peur d'épouvanter les faibles, et se contentait de demander à Dieu avec ardeur le secours de ses puissantes mains [12].

En décembre 1524 un messager dauphinois, Pierre Verrier, chargé de commissions pour Farel et pour Anémond, arriva à cheval à Montbéliard. Le chevalier, avec sa vivacité habituelle, forma aussitôt le dessein de rentrer en France, « Si Pierre a apporté de l'argent, écrivit-il à Farel, prenez-le; si ledit Pierre me a porté des lettres, ouvrez-les et en retenez le double et puis les me envoyez. Néanmoins ne vendez pas le cheval, mais le retenez, car par aventure en aurai à faire. Je serais d'opinion d'aller secrètement en France par devers Jacobus Faber (Lefèvre) et Arandius. Écrivez m'en votre avis [13] »

Tels étaient la confiance et l'abandon qui régnaient entre ces réfugiés : l'un ouvrait les lettres de l'autre et recevait son argent. Il est vrai que de Coct devait déjà trente-six écus à Farel, dont la bourse était toujours ouverte à ses amis. Il y avait plus de zèle que de sagesse dans le désir du chevalier de retourner en France. Il était d'un caractère trop imprudent pour ne pas s'exposer ainsi à une mort certaine. C'est ce que, sans doute Farel lui fit comprendre. Il quitta Bâle et se retira dans une petite ville, où il avait « grande espérance d'avoir le langage germain, Dieu aidant [14].»

Farel continuait à évangéliser Montbéliard. Son esprit s'aigrissait en lui-même, en considérant que la majorité du peuple de cette ville était entièrement adonnée au culte des images. C'était, suivant Farel, l'antique idolâtrie du paganisme qui se renouvelait.

Cependant, les exhortations d'Écolampade, et la crainte de compromettre la vérité, l'eussent peut-être longtemps retenu, sans une circonstance imprévue. Un jour, vers 371

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle la fin de février (c'était la fête de saint Antoine), Farel marchait près des bords d'une petite rivière qui traverse la ville, au-dessous du rocher élevé que la cita delle domine, lorsque, arrivé sur le pont, il rencontra une procession qui s'avançait, récitant des prières à saint Antoine, et ayant en tête deux prêtres avec l'image de ce saint. Farel se trouvait ainsi tout à coup face à face de ces superstitions, sans pourtant les avoir cherchées. Il se livra alors dans son âme un violent combat.

Cédera-t-il ? Se cachera-t-il ? Mais ne serait-ce pas une lâche infidélité? Ces images mortes, portées sur les épaules de prêtres ignorants, font bouillonner son cœur..

Farel s'avance avec hardiesse, enlève des bras des prêtres la châsse du saint ermite et la jette du haut du pont dans la rivière. Puis, se tournant vers le peuple étonné, il s'écrie :”h Pauvres idolâtres, ne lairrez-vous (laisserez-vous) jamais votre idolâtrie

[15] ?»

Les prêtres et le peuple s'arrêtent consternés. Une crainte religieuse semble enchaîner la multitude. Mais bientôt cette stupeur cesse. L'image se noie, » s'écrie quelqu'un de la foule; et alors à l'immobilité et au silence succèdent des transports et des cris de fureur. La foule veut se précipiter sur le sacrilège qui vient de jeter à l'eau l'objet de son adoration. Mais Farel, nous ne savons comment, échappe à sa colère [16].

On peut, nous le comprenons, regretter que le réformateur se soit laissé entraîner à cette action, qui arrêta plutôt la marche de la vérité. Nul ne doit se croire en droit d'attaquer par violence ce qui est d'institution publique. Cependant, il y a quelque chose de plus noble dans le zèle du ré formateur, que dans cette froide prudence, si commune, qui recule devant le moindre péril et craint de faire le moindre sacrifice à l'avancement du règne de Dieu. Farel n'ignorait pas qu'il s'ex posait ainsi au danger de perdre la vie comme Leclerc. Mais le témoignage que lui rendait sa conscience de ne chercher que la gloire de Dieu, l'éleva au-dessus de toutes les craintes.

Après la journée du pont, qui est un trait si caractéristique de l'histoire de Farel, le réformateur fut contraint de se cacher et bientôt après de quitter la ville. Il se réfugia à Bâle auprès d'Ecolampade; mais il eut toujours pour Montbéliard l'affection qu'un serviteur de Dieu ne manque jamais de ressentir pour les prémices de son ministère [17].

Une triste nouvelle attendait Farel à Bâle. S'il était fugitif, Anémond de Coct, son ami, était grièvement malade. Farel lui envoya aussitôt quatre écus d'or; mais une lettre écrite le 25 mars par Oswald Myconius, lui annonça la mort du chevalier-Vivons, lui écrivait Oswald, de manière à ce que nous entrions dans le repos, où nous espérons que l'esprit d'Anémond est déjà entré [18]. »

Ainsi Anémond, jeune encore, plein d'activité, plein de force, désireux de tout entreprendre pour évangéliser la France, et qui valait à lui seul toute une armée, descendait dans une tombe prématurée. Les voies de Dieu ne sont point nos voies.

372

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle Il n'y avait pas longtemps que près de Zurich aussi, un autre chevalier, Ulrich de Hûtten, était venu rendre le dernier soupir. On trouve quelques rap ports de caractère entre le chevalier allemand et le chevalier français; mais la piété et les vertus chrétiennes du Dauphinois le placent bien au-dessus du spirituel et intrépide ennemi du pape et des moines.

Peu après la mort d'Anémond, Farel, ne pouvant rester à Bâle d'où il avait été autrefois banni, se rendit à Strasbourg auprès de ses amis Capiton et Bucer.

Ainsi, à Montbéliard et à Bâle, comme à Lypn, des coups étaient portés dans les rangs de la Bé forme. Parmi les combattants les plus dévoués, les uns étaient enlevés par la mort, les autres par la persécution ou l'exil. En vain les soldats de l'Évangile tentaient-ils de tous côtés l'assaut; par tout ils étaient repoussés. Mais si les forces qu'ils avaient concentrées, d'abord à Meaux, puisa Lyon, ensuite à Bâle, étaient successivement dissipées, il restait çà et là des combattants qui, en Lorraine, à Meaux, à Paris même, luttaient plus ou moins ouvertement, pour maintenir en France la Parole de Dieu. Si la Réformation voyait ses masses en foncées, il lui demeurait des soldats isolés. C'était contre eux que la Sorbonne et le parlement allaient diriger leur colère. On voulait qu'il ne restât rien sur le sol de la France, de ces hommes généreux qui avaient entrepris d'y planter l'étendard de Jésus-Christ; et des malheurs inouïs semblèrent se conjurer alors avec les ennemis de la Réforme, et leur prêter main-forte pour achever leur œuvre.

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FOOTNOTES

[1] Animum autem immutare, divinum opus est.(EcoI. Epp., p. ao0.)

[2] A quibus si pendemus, jam a Christo defecimus. (Manuscrit de Neuchàtel.)

[3] Der christliche Handel zu Mûmpelgard, verloffen mit griindlicher Wahrheit.

[4] Quod Evangelistam non tyrannicum, legislatorempraestes. (Ecol. Epp., p. 206.)

[5] Me in dies divexari legendis amicorum litteris qui me ... ab instituto remorari nituntur. (Tossanus Farello, 2 septem. 15a4. Manuscrit de Neuchâtel.)

[6] Jam capulo proxima. (Manuscrit de Neuchâtel.)

[7] Litteras ad me dédit plenas lacrymis quibus maledicit et uberibus quae me lactarunt, etc... (Manuscrit de Neuchâtel.)

[8] Visum est OEcolampadio consultum.. ut a se secederem. (Ibid.)

[9] Utor domo cujusdani sacrificuli. (Ibid.)

[10] Ut Christi regnuin quam latissime pateat. (Ibid.) 373

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle

[11] Qu'il s'en retourne à Metz, là où les ennemis de Dieu s'élèvent journellement contre l'Évangile. (Tossanus Farello; 17 décembre 1524. Manuscrit de Neuchâtel.)

[12] Accepi ante horam a fratre tuo epistolam quam hic nulli manifestavi; terrentur enim infirmi. (Coctus Farello, 2 sept.

[13] 1 Coct à Farel, décembre 15a4. Manuscr. de Neuchâtel.

[14] Coct à Farel, janvier 1525. Ibid.

[15] Revue du Dauphiné, tom. IJ, p. 38. — Manuscrit de Choupard.

[16] M. Kirchhofer, dans sa Vie de Farel, donne cet événement comme une tradition qui n'est pas certaine; mais il est raconté par des écrivains protestants même, et il me paraît tout à fait en accord avec le caractère de Farel et les craintes d'Écolampadc. Il faut reconnaître les faiblesses des réformateurs.

[17] Ingens affectus, qui nie cogit Mumpelgarduin amare. (Farelli Epp.)

[18] Quo Aneinundi spiritum jam pervenisse speramus. (My conius Farello.

Manuscrit de Neuchàtel.)

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Histoire de la Réformation du Seizième Siècle CHAPITRE XIV.

Pendant les derniers temps du séjour de Farel à Montbéliard, de grandes choses s'étaient en effet passées sur la scène du monde. Les généraux de Charles-Quint, Lannoy et Pescaire, ayant quitté la France à l'approche de François 1er, ce prince avait passé les Alpes et était venu faire le blocus de Pavie. Le 24 février 1525, Pescaire l'avait attaqué. Bohnivet, la Trémouille, la Palisse, Les cure s'étaient fait tuer près du roi. Le duc d'Alençon, époux de Marguerite, premier prince du sang, s'était enfui avec l'arrière-garde et était allé mourir de honte et de douleur à Lyon; et François, renversé de son cheval, avait remis son épée à Charles de Lannoy, vice-roi de Naples, qui la reçut un genou en terre. Le roi de France était prisonnier de l'Empereur. La captivité du roi parut le plus grand des malheurs. « De toutes choses ne m'est demeuré que l'honneur et la vie » écrivit le roi à sa mère. Mais personne ne ressentit une douleur plus vive que Marguerite

La gloire de son pays compromise, la France sans monarque, exposée aux plus grands dangers, son frère bien-aimé captif de son superbe adversaire, son mari déshonoré et mort... que d'amertumes!.. Mais elle avait un consolateur; et tandis que son frère répétait, pour se consoler :”h Tout 'test perdu, fors l'honneur! » Elle pouvait dire: i Fors Jésus seul, mon frère, fils de Dieu [1] ! » La France, les princes, le parlement, le peuple étaient dans la consternation. Bientôt, comme dans les trois premiers siècles de l'Église, on imputa aux chrétiens la calamité qui affligeait la patrie; et de toutes parts des voix fanatiques de mandèrent du sang, afin d'éloigner de plus grandes infortunes. Le moment était donc favorable; il ne suffisait pas d'avoir débusqué les chrétiens évangéliques des trois fortes positions qu'ils avaient prises, il fallait profiter de l'effroi du peuple, battre le fer pendant qu'il était chaud, et faire table rase, dans tout le royaume, de cette opposition qui devenait si redoutable à la papauté [2].

A la tête de cette conjuration, de ces clameurs, se trouvaient Beda, Duchesne et Le couturier. Ces irréconciliables ennemis de l'Evangile se flattaient d'obtenir facilement de la terreur publique les victimes qu'on leur avait jusqu'alors refusées.

Ils mirent aussitôt tout en œuvre, conversations, prédications fanatiques, plaintes, menaces, écrits diffamatoires, pour exciter la colère de la nation et surtout celle des chefs. Ils jetaient feu et flammes contre leurs adversaires et les couvraient des plus flétrissantes injures Tous les moyens leur étaient bons; ils prenaient çà et là quelques paroles, laissaient de côté ce qui pouvait expliquer la sentence citée, substituaient leurs propres ex pressions à celles des docteurs qu'ils inculpaient, et omettaient ou ajoutaient, selon le besoin qu'ils avaient de noircir leurs adversaires.

C'est le témoignage d'Érasme lui-même. [3]

Rien n'excitait leur colère comme la doctrine fondamentale du christianisme et de la Réformation, le salut par la grâce. « Quand je vois, disait « Beda, ces trois hommes, 375

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle doués du reste d'un « génie si pénétrant, Lefèvre, Érasme, Luther, s'unir pour conspirer contre les œuvres méritoires et pour placer tout le poids du salut dans la foi seule [4], je ne m'étonne plus que des milliers d'hommes, séduits par ces doctrines, en viennent à dire : Pourquoi jeûnerais-je et martyriserais - je mon corps?» Bannissons de la France cette doctrine odieuse de la grâce. Il y a dans cette négligence des mérites, une funeste tromperie du diable. »

Ainsi le syndic de la Sorbonne s'efforçait de combattre la foi. Il devait trouver pour appuis une cour débauchée et une autre partie de la nation, plus respectable, mais qui n'est pas moins opposée à l'Evangile. Je veux parler de ces hommes graves, d'une morale sévère, mais qui, livrés à l'étude des lois et des formes juridiques * ne voient dans le christianisme qu'une législation; dans l'Eglise, qu'une police morale; et qui, ne pouvant faire entrer dans les idées de la jurisprudence qui les absorbent, les doctrines de l'in capacité spirituelle de l'homme, de la naissance nouvelle, de la justification par la foi, les regardent comme des imaginations fantastiques, dangereuses aux mœurs publiques et à la prospérité de l'État.

Cette tendance hostile à la doctrine de la grâce se manifesta au seizième siècle par deux excès bien différents; en Italie et en Pologne, par la doctrine de Socin, issu d'une illustre famille de jurisconsultes de Sienne; et en France, parles arrêts persécuteurs et les bûchers du parlement. Le parlement, en effet, méprisant les grandes vérités de l'Évangile que les réformateurs annonçaient, et se croyant obligé de faire quelque chose en une si accablante calamité, adressa à Louise de Savoie de vives remontrances sur la conduite du gouvernement à l'égard de la nouvelle doctrine. « L'hérésie, dit-il, a levé la tête au milieu de nous, et le roi, en ne faisant point dresser des échafauds pour elle, a attiré sur le royaume la colère du ciel. »

En même temps les chaires retentissaient de plaintes, de menaces, de malédictions; on de mandait des peines promptes et éclatantes. Martial Mazurier se distinguait parmi les prédicateurs de Paris; et, cherchant à faire oublier par sa violence ses anciennes liaisons avec les partisans de la Réforme, déclamait contre les disciples cachés de Luther.»

« Connaissez-vous, s'écriait-il, La promptitude de ce poison? En connaissez-vous « la force? Ah! Tremblons pour la France! Car il agit avec une inconcevable activité, et eu peu de temps il peut donner la mort à des milliers d'âmes [5]. »

Il n'était pas difficile d'exciter la régente contre les partisans de la Réforme. Sa fille Marguerite, les premiers personnages de la cour, Louise de Sa voie elle-même, Louise toujours si dévouée au pontife romain, étaient désignés par quelques fanatiques comme favorisant Lefèvre, Berquin et les autres novateurs. N'avait-elle pas lu leurs petits écrits et leurs traductions de la Bible? La mère du roi voulait se laver de soupçons si outrageants. Déjà elle avait envoyé son confesseur à la Sorbonne, pour demander à cette compagnie par quels moyens on pouvait extirper 376

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle l'hérésie. La détestable doctrine de Luther, avait-elle fait « dire à la faculté, gagne chaque jour de nouveaux adhérents. »

La faculté avait souri en recevant un tel message. Auparavant, on n'avait pas voulu écouter ses représentations, et on venait à cette heure-là prier humblement de donner un conseil en cette affaire. Elle tenait enfin en ses mains cette hérésie qu'elle désirait depuis si longtemps étouffer. Elle chargea Noël Beda de répondre aussitôt à la régente. « Puisque les sermons, les disputes, les livres que nous avons «

si souvent opposés à l'hérésie, dit le fanatique syndic, ne parviennent point à l'arrêter, il faut prohiber par une ordonnance tous les écrits des hérétiques; et si ces moyens ne suffisent pas encore, il faut employer la force et la contrainte « contre la personne même de ces faux docteurs; « car ceux qui résistent à la lumière doivent être subjugués par les supplices et par la terreur [6].»

Mais Louise n'avait pas même attendu cette réponse. A peine François 1er était-il tombé dans les mains de Charles-Quint, qu'elle avait écrit au pape pour lui demander sa volonté à l'égard des hérétiques. Il était important pour la politique de Louise de s'assurer la faveur d'un pontife qui pouvait soulever l'Italie contre le vainqueur de Pavie, et elle était prête à se le concilier au prix d'un peu de sang français. Le pape, charmé de pouvoir sévir, dans le royaume très - chrétien, contre une hérésie qu'il ne pouvait arrêter ni en Suisse, ni en Allemagne, ordonna aussitôt que l'on introduisît l'inquisition en France, et adressa un bref au parlement.

En même temps, Duprat, que le pontife avait fait cardinal, et auquel il avait donné l'archevêché de Sens et une riche abbaye, cherchait à répondre aux bienfaits de la cour de Rome, en déployant contre les hérétiques une haine infatigable. Ainsi le pape, la régente, les docteurs de la Sorbonne, le parlement, le chancelier, la partie ignorante et fanatique de la nation, tout conspirait ensemble et à la fois à la ruine de l'Evangile et à la mort de ses confesseurs.

Ce fut le parlement qui commença. Il ne fallait rien moins que le premier corps de la nation pour entrer en campagne contre cette doctrine; et d'ailleurs n'était-ce pas son affaire, puisque le salut public y était intéressé? Le parlement donc, porté d'un saint zèle et ferveur contre ces nouveautés *. Ordonna, par un arrêt, que l'évêque de Paris et autres évêques seraient tenus bailler vicariat à MM. Philippe Pot, président aux en quêtes, et André Verjus, conseiller, et à MM. Guillaume Duchesne et Nicolas Leclerc, docteurs en théologie, pour faire et parfaire le procès de ceux qui se trouveraient entachés de la doctrine de Luther.

« Et afin qu'il parût que ces messieurs les commissaires travaillaient plutôt de l'autorité de l'Église que du parlement, il plut à Sa Sainteté envoyer son bref (20

mai 15a5), qui approuvait lesdits commissaires nommés. [7]

377

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle

« Ensuite de ce, tous ceux qui étaient déclarés luthériens par l'évêque ou juges d'Eglise à ce députés, étaient livrés au bras séculier; c'est à sa voir audit parlement, lequel, pour ce, les con damnait d'être brûlés tout vifs [8]. »

Ainsi parte un manuscrit du temps. Telle fut la terrible commission d'enquête nommée pendant la captivité de François 1er contre les chrétiens évangéliques de France, pour cause de salut public. Elle était composée de deux laïques et de deux ecclésiastiques, et l'un de ces derniers était Duchesne : après Beda, le plus fanatique des docteurs de la compagnie. On avait eu la pudeur de ne pas y placer leur chef, mais son influence n'en était que plus assurée.

Ainsi, la machine était montée; ses ressorts étaient bien préparés; chaque coup qu'elle porte rait donnerait la mort. Il s'agissait de savoir contre qui on dirigerait la première attaque. Beda, Duchesne, Leclerc, assistés de MM. Philippe Pot, président, et André Verjus, conseiller, délibérèrent entre eux sur cette importante question. N'y avait-il pas le comte de Montbrun, l'ancien ami de Louis XII, l'ex-ambassadeur à Rome, Briçonnet, évêque de Meaux P Le comité du salut public, assemblé à Paris en 1525, pensait qu'en commençant par un homme si haut placé, on serait sûr de répandre la terreur dans tout le royaume. Cette raison était suffisante, et ce vénérable évêque fut décrété d'accusation.

Loin de se laisser épouvanter par la persécution de 15i$, Briçonnet avait persisté, ainsi que Lefèvre, dans son opposition aux superstitions populaires. Plus sa place dans l'Église et dans l'État était éminente, plus aussi son exemple était funeste, et plus il était nécessaire d'obtenir de lui une éclatante rétractation, ou de le frapper d'un coup plus éclatant encore. La commission d'enquête s'empressa de recueillir les charges qui lui étaient contraires. Elle constata l'accueil bien veillant que l'évêque avait fait aux hérétiques; elle établit que huit jours après que le gardien des cordeliers avait prêché dans l'église de Saint-Martin de Meaux, conformément aux instructions de la Sorbonne, pour y rétablir la saine doctrine, Briçonnet lui-même était monté en chaire, l'avait réfuté, et avait traité l'orateur et les autres cordeliers ses confrères, de cafards, de faux prophètes et d'hypocrites; et que, non content de cet affront public, il avait fait décréter le gardien d'ajournement personnel, par son officiai [9]... Il paraîtrait même, d'après un manuscrit du temps, que l'évêque aurait été bien plus loin encore, et que, en automne 15a4, accompagné de Lefèvre d'Étaples, il aurait parcouru pendant trois mois son diocèse, et brûlé toutes les images, excepté le crucifix. Une action si hardie, qui montrerait dans Briçonnet beaucoup d'audace, à côté de beaucoup de timidité, ne peut, si elle est vraie, faire reposer Sur lui le blâme attaché à d'autres destructeurs d'images; car il était chef de l'Église où il réformait ces superstitions, et il agissait dans le cercle de ses droits et de ses devoirs [10].

378

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle Quoi qu'il en soit, Briçonnet devait être assez coupable aux yeux des ennemis de l'Évangile. Il ne s'était pas seulement attaqué à l'Eglise en général; il s'en était pris à la Sorbonne elle-même, à cette compagnie dont la loi suprême était sa propre gloire et sa conservation. Aussi fut-elle dans la joie, en apprenant l'enquête dirigée contre son adversaire; et l'un des plus célèbres avocats du temps, Jean Bochart, soutenant devant le parlement la charge contre Briçonnet, s'écria en haussant la voix : « Contre la Faculté, ne l'évêque de Meaux, ne autre particulier ne peut lever la tête et ouvrir la bouche. Et n'est la Faculté sujette pour aller disputer, porter et alléguer ses raisons devant ledit évêque, qui ne doit point résister à la sagesse de cette sainte compagnie, laquelle a il doit estimer être aidée de Dieu [11]. »

En conséquence de cette réquisition, le parlement rendit un arrêt, le 3 octobre 1

5a5, par lequel, après avoir décrété prise de corps contre tous ceux qui lui étaient signalés, il ordonna que l'évêque serait interrogé par maîtres Jacques Ménager et André Verjus, conseillers de la cour, sur les faits dont il était accusé. [12]

Cet arrêt du parlement consterna l'évêque. Briçonnet ambassadeur de deux rois à Rome, Briçonnet évêque et prince, l'ami de Louis XII et de François 1er, devait aller subir l'interrogatoire de deux conseillers de la cour... Lui qui avait espéré que Dieu allumerait dans le cœur du roi, de sa mère, de sa sœur, un feu qui se communiquerait à tout le royaume, il voyait le royaume se tourner contre lui pour éteindre la flamme qu'il avait reçue du ciel. Le roi est prisonnier, sa mère marche à la tête des ennemis de l'Évangile, et Marguerite, effrayée des malheurs qui ont fondu sur la France, n'ose détourner les coups qui vont tomber sur ses plus chers amis, et tout premièrement sur ce père spirituel qui l'a, si souvent consolée; ou, si elle l'ose, elle ne le peut. Récemment encore elle écrivait à Briçonnet, dans une lettre pleine de pieux épanchements : « Oh! que le pauvre cœur mort puisse sentir quelque étincelle de l'amour, en quoi je le désire bruler en cendre'[13]. ... Mais maintenant c'était à la lettre qu'il s'agissait d'être brûlé en cendre. Ce langage mystique n'était plus de saison; il fallait, si l'on voulait confesser sa foi, braver l'échafaud. Le pauvre évêque, qui avait tant espéré de voir une réforme évangélique se répandre peu à peu, et doucement dans les esprits, était effrayé et tout tremblant, en voyant qu'il fallait, à cette heure, l'acheter au prix de la vie. Jamais peut-être cette terrible pensée ne lui était venue, et il reculait devant elle avec angoisse et avec effroi.

Cependant Briçonnet avait encore un espoir: qu'on lui permette de paraître devant toutes les chambres du parlement assemblées, ainsi que cela est dû à un personnage de son rang, et dans celte cour auguste et nombreuse il trouvera, il en est sûr, des cœurs généreux qui comprendront sa voix et prendront sa défense. Il supplia donc la cour de lui faire cette grâce; mais ses ennemis avaient aussi compris qu’elle pouvait être l'issue d'une telle audience. N'avait-on pas vu Luther comparaissant à Worms devant la diète germanique, ébranler les cœurs les mieux 379

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle affermis? Attentifs à éloigner toute chance de salut, ils travaillèrent si bien que le parlement refusa à Briçonnet cette faveur par un arrêt du 15 octobre 15a5, qui confirma le premier [14].

Voilà donc l'évêque de Meaux renvoyé comme le prêtre le plus obscur, devant maîtres Jacques Ménager et André Verjus. Ces deux jurisconsultes, instruments dociles de la Sorbonne, ne sauraient être ébranlés par les hautes considérations aux quelles la chambre entière eût pu être sensible; ce sont des hommes positifs : l'évêque a-t-il été ou non en désaccord avec la compagnie ? Voilà tout ce qu'ils demandent. La condamnation de Briçonnet est donc assurée.

Tandis que le glaive était ainsi suspendu par le parlement sur la tête de l'évêque, les moines, les prêtres et les docteurs ne perdaient pas leur temps; ils comprenaient qu'une rétractation de Briçonnet servirait mieux leurs intérêts que son supplice même. Sa mort enflammerait tous ceux qui partageaient sa foi; mais sou apostasie les jetterait dans un profond découragement. A l'œuvre donc ! On le visitait, on le pressait. Martial Mazurier sur tout s'efforçait de le faire tomber, comme il était tombé lui-même. Il ne manquait pas de raisons qui pouvaient paraître spécieuses à Briçonnet.

Voulait-il donc perdre sa place ? Ne pouvait-il pas, en restant dans l'Église, se servir de son influence sur le roi et sur la cour pour faire un bien dont il était impossible de prévoir l'étendue? Que de viendraient ses anciens amis, quand il ne serait plus au pouvoir? Combien sa résistance ne compromettrait-elle pas une réforme, qui, pour être salutaire et durable, doit s'opérer par l'influence légitime du clergé ! Que d'âmes il heurterait en résistant à l'Église; que d'âmes il attirerait, au contraire, en cédant! On veut, comme lui, une réforme. Tout s'y achemine insensiblement; à la cour, à la ville, dans les provinces, partout on avance et il irait de gaieté de cœur anéanti un si bel avenir !.. Au fond, on ne lui demandait pas le sacrifice de sa doctrine, mais seulement de se soumettre à l'ordre établi dans l'Église. Était-ce bien quand la France était accablée sous tant de revers, qu'il fallait lui susciter encore de nouveaux troubles? Au nom de la religion, au nom de la patrie, au nom de vos amis, au nom de la Réformation elle-même, cédez!» lui disait-on [15]. C'est par de tels sophismes que se perdent les plus belles causes.

Cependant chacune de ces paroles faisait quel que impression sur l'esprit de l'évêque. Le Tentateur, qui voulut faire tomber Jésus dans le désert, se présentait ainsi à lui sous des formes spécieuses; et au lieu de s'écrier comme, son Maître : Arriéré de moi, Satan ! [16]» Il écoutait, accueillait, pesait ces discours. Dès lors c'en était fait de sa fidélité. Briçonnet n'avait jamais été tout entier, comme un Farel ou un Luther, dans le mouvement qui régénérait alors l'Eglise; il y avait en lui une certaine tendance mystique qui affaiblit les âmes et leur ôte cette fermeté et ce courage que donne une foi uniquement appuyée sur la Parole de Dieu.

380

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle La croix qu'il fallait prendre pour suivre Jésus Christ était trop pesante Ébranlé, effrayé, étourdi, hors de sens [17], il chancela, il heurta contre la pierre que l'on posait artificieusement sur sa route il tomba, et au lieu de se jeter dans les bras de Jésus-Christ, il se jeta dans ceux de Mazurier et souilla par une honteuse palinodie, la gloire d'une belle fidélité [18].

Ainsi tomba Briçonnet, l'ami de Lefèvre et de Marguerite; ainsi le premier soutien de l'Evangile en France renia la bonne nouvelle de la grâce, dans la coupable pensée que s'il lui demeurait fidèle, il perdrait son influence sur l'Église, sur la cour et sur la France. Mais ce qu'on lui présentait comme le salut de son pays, devint peut-être sa ruine. Que fut-il arrivé, si Briçonnet avait eu le courage d'un Luther? Si l'un des premiers évêques de France, cher au roi, cher au peuple, était monté sur l'échafaud et y avait, comme les petits selon le monde, scellé par une confession courageuse et une mort chrétienne, la vérité de l'Evangile, la France ne se fût-elle pas émue, et le sang de l'évêque de Meaux, devenant, comme celui des Polycarpe et des Cyprien, une semence de l'Église, n'eût-on pas vu ces contrées, si illustres à tant d'égards, sortir, dès le seizième siècle, des longues ténèbres spirituelles où elles sont encore retenues?

Briçonnet subit, pour la forme, l'interrogatoire devant maîtres Jacques Ménager et André Verjus, lesquels déclarèrent qu'il s'était suffisamment justifié du crime qu'on lui imputait. Puis il fut réduit à pénitence, et assembla un synode où il condamna les livres de Luther, rétracta tout ce qu'il avait enseigné de contraire à la doctrine de l'Église, rétablit l'invocation des saints, s'efforça de ramener ceux qui avaient abandonné le culte de Rome, et voulant ne laisser aucun doute sur sa réconciliation avec le pape et la Sorbonne, célébra, la veille de la Fête-Dieu, un jeûne solennel, et ordonna de pompeuses processions, dans lesquelles il parut lui-même, y donnant des gages de sa foi par sa magnificence et par toutes sortes de dévotions [19].

Briçonnet est peut-être l'exemple de chute le plus illustre que la Réformation présente. Nulle part, on ne vit un homme engagé si avant dans la Réforme et si sincèrement pieux, tourner aussi brusquement contre elle. Cependant, il faut bien comprendre et son caractère et sa chute. Briçonnet fut, du côté de Rome, ce que fut Lefèvre du côté de la Réformation. Ce sont deux personnages de juste-milieu, qui n'appartiennent proprement à aucun des deux partis; mais l'un est du centre droit et l'autre du centre gauche. Le docteur d'Etaples penche vers la Parole, tandis que l'évêque de Meaux penche vers la hiérarchie; et quand ces deux hommes qui se touchent, doivent se décider, l'un se range avec Rome et l'autre avec Jésus Christ.

Au reste, on ne peut croire que Briçonnet ait été entièrement infidèle aux convictions de sa foi; jamais les docteurs romains n'ont eu en lui une pleine confiance, même après ses rétractations. Mais il fit comme plus tard l'évêque de Cambrai, avec lequel il a plus d'un trait de ressemblance; il crut pouvoir se 381

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle soumettre extérieurement au pape, tout en demeurant intérieurement soumis à la Parole divine. C'est là une faiblesse incompatible avec les principes de la Réformation. Briçonnet fut l'un des chefs de l'école mystique ou quiétiste en France; et l'on sait que l'un de ses premiers principes a toujours été de s'accommoder à l'Église où l'on se trouve, quelle qu'elle puisse être.

La chute coupable de Briçonnet retentit dans le cœur de ses anciens amis, et fut le triste avant-coureur de ces déplorables apostasies que l'esprit du monde obtint si souvent en France, dans un autre siècle. Ce personnage, qui semblait tenir en main les rênes de la Réforme, était brusquement jeté hors du char; et la Réforme devait dès lors poursuivre son cours en Fiance, sans chef, sans conducteur humain, dans l'humilité et l'obscurité. Mais les disciples de l'Évangile levèrent la tête et regardèrent dès lors avec une foi encore plus ferme à ce chef céleste, dont ils connaissaient l'inébranlable fidélité.

La Sorbonne triomphait; un grand pas était fait vers l'anéantissement de la Réformation en France; il fallait, sans plus tarder, courir à une autre victoire.

Lefèvre était le -premier après Briçonnet. Aussi Beda avait-il immédiatement dirigé contre lui ses attaques, en publiant contre cet illustre docteur un livre où l'on trouvait des calomnies si grossières, que « des cordonniers et des forgerons, dit Érasme, eussent pu les montrer au doigt. » Ce qui excitait surtout sa colère, c'était cette doc trine de la justification par la foi que Lefèvre avait le premier proclamée dans la chrétienté. C'était le point auquel Beda revenait sans cesse, l'article qui, selon lui, renversait l'Église. « Quoi, disait-il, Lefèvre affirme que quiconque place en lui-même la force de son salut, périra, tandis que quiconque, se dépouillant de toutes ses forces, se jette uniquement dans les bras de Jésus-Christ, sera sauvé Oh!

quelle hérésie que de prêcher ainsi l'impuissance des mérites.. Quelle erreur infernale! Quelle pernicieuse tromperie du démon! Opposons-nous-y de tout notre pouvoir [20]. »

Aussitôt on dirigea contre le docteur d'Étaples cette machine à persécution, qui produisait la rétractation ou la mort; et déjà l'on espérait de voir Lefèvre partager le sort du pauvre cardeur v Leclerc, ou celui de l'illustre évêque Briçonnet. Son procès fut bientôt instruit; et un décret du parlement, du 28 août 1515, condamna neuf pro positions tirées de ses commentaires sur les Evangiles, et rangea les saintes Ecritures traduites par lui, au nombre des livres défendus [21]. Ce n'était que le prélude. Le savant docteur le comprit. Dès les premiers signes de persécution, il avait senti qu'en l'absence de François 1er, il succomberait aux attaques de ses ennemis, et que le moment était venu d'accomplir ce commande ment du Seigneur : Quand ils vous persécutent dans une ville, fuyez dans une autre [22]. Lefèvre quitta Meaux, où, depuis la chute de l'évêque, il était d'ailleurs abreuvé d'amertume et voyait toute son activité paralysée; et « 'éloignant de ses persécuteurs, il secoua contre eux la poussière de ses pieds, « non pour leur souhaiter aucun mal, mais 382

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle comme un signe des maux qui les attendent; car, dit-il quelque part, de même que cette poussière est secouée de nos pieds, de même ils sont secoués de la face du Seigneur [23]. »

Les persécuteurs avaient manqué leur victime; mais ils s'en consolèrent en pensant que la France était du moins délivrée du père des hérétiques.

Lefèvre, fugitif, arriva sous un nom emprunté à Strasbourg; aussitôt il s'y joignit franchement aux amis de la Réformation; et quelle joie ce dut être pour lui d'entendre enseigner publiquement cet Évangile qu'il avait le premier pressenti dans l'Eglise. Voilà sa foi! C'était bien cela qu'il avait voulu dire! H lui semblait naître une seconde, fois à la vie chrétienne. Gérard Roussel, un de ces hommes évangéliques, qui, comme le docteur d'Etaples, ne parvinrent pas cependant à une entière émancipation, avait ainsi que lui dû quitter la France. Ils suivaient ensemble les enseignements de Capiton et de Bucer [24]; ils avaient avec ces fidèles docteurs des entretiens particuliers [25], et le bruit se répandait même qu'ils avaient été envoyés à cet effet par Marguerite, sœur du roi [26]. Mais l'ado ration des voies de Dieu occupait Lefèvre plus que la polémique. Portant ses regards sur la chrétienté, plein d'étonnement à la vue des grandes choses qui s'y passaient, ému de reconnaissance et le cœur plein d'attente, il tombait à genoux et priait le Seigneur de parfaire ce qu'il voyait pour lors commencer [27]. »

Une grande joie surtout l'attendait à Strasbourg; son disciple, son fils, Farel, dont la persécution l'avait séparé depuis près de trois ans, y était arrivé avant lui. Le vieux docteur de la Sorbonne retrouvait dans son jeune élève un homme dans toute la force de l’âge, un chrétien dans toute l'énergie de la foi. Farel serrait avec respect cette main ridée qui avait conduit ses premiers pas, et il éprouvait une joie indicible à retrouver son père dans une ville évangélique et à le voir tout entouré d'hommes fidèles. Us entendaient ensemble les purs enseignements d'illustres docteurs; ils communiaient à la cène du Seigneur administrée conformément à l'institution de Jésus-Christ; ils recevaient les marques touchantes de la charité de leurs frères.

Rappelez-vous, lui disait Farel, ce que vous me disiez autrefois, quand nous étions encore l'un et l'autre plongés dans les ténèbres : Guillaume! Dieu renouvellera le monde; et vous le verrez!.. Voici le commencement de ce que vous me dites alors.» —

« Oui, répondait le pieux vieillard, oui! Dieu renouvelle le monde.. O mon fils, continuez à prêcher avec courage le saint Evangile de Jésus-Christ [28] ! »

Lefèvre, par un excès de prudence sans doute, voulait demeurer inconnu à Strasbourg, et y avait pris le nom d'Antoine Pérégrin, tandis que Roussel portait celui de Solnin. Mais l'illustre vieillard ne pouvait rester caché; bientôt toute la ville et même jusqu'aux enfants saluaient avec respect le vieux docteur français [29]. Il n'était pas seul; il demeurait chez Capiton avec Farel, Roussel, Vedaste, dont chacun louait la modestie, et un certain Simon, néophyte juif. Les maisons de Ca 383

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle piton, d'Ecolampade, de Zwingle, de Luther, étaient alors comme des hôtelleries.

Telle était en ces temps la force de l'amour fraternel. Beaucoup d'autres Français se trouvaient encore dans cette ville des bords du Rhin, et ils y formaient une église, à laquelle Farel annonça souvent la doctrine du salut. Cette société chrétienne adoucissait leur exil.

Tandis que ces frères jouissaient ainsi de l'asile que la charité fraternelle leur avait ouvert, ceux qui se trouvaient à Paris et en France, étaient exposés à de grands dangers. Briçonnet s'était rétracté, Lefèvre avait quitté la France; c'était quelque chose sans doute pour la Sorbonne; mais elle en était encore à attendre les supplices qu'elle avait conseillés. Beda et les siens se voyaient sans victimes. Un homme les irritait plus encore que Briçonnet et Lefèvre : c'était Louis de Berquin. Le gentilhomme d'Artois, d'un caractère plus décidé que ses deux maîtres, ne laissait passer aucune occasion de harceler les théologiens et les moines, et de démasquer leur fanatisme. Ha bitant tour à tour Paris et la province, il rassemblait les livres d'Érasme et de Luther, il les traduisait, il composait lui-même des écrits de controverse, enfin il défendait et propageait la nouvelle doctrine avec tout le zèle d'un nouveau converti. L'évêque d'Amiens le dénonça; Beda appuya sa plainte, et le parlement le fit jeter en prison.

« Celui-ci, dit-on, n'échappera, ni comme Briçonnet, ni comme Lefèvre. [30]»En effet, on le te nait sous les barres et les verrous. En vain le prieur des chartreux et d'autres encore le suppliaient-ils de faire amende honorable; il déclarait haute ment qu'il ne céderait pas sur un seul point. « Alors il ne semblait rester, dit une chronique, sinon qu'on le menât au feu [31]. »

Marguerite, consternée de ce qui était arrivé à Briçonnet,' tremblait de voir Berquin traîné à l'échafaud auquel l'évêque avait si honteusement échappé. Elle n'osait pénétrer jusque dans sa prison; mais elle cherchait à lui faire parvenir quelques paroles consolantes, et peut-être fut-ce pour lui que la princesse fit cette touchante complainte du prisonnier, où celui-ci, s'adressant au Seigneur, s'écrie :

« O ! Sûreté, secours, accès, refuge

De l'affligé ! de l'orphelin le juge !

Trésor entier de consolation !

Les huys de fer, pont-levis et barrière

Où suis serré, me tiennent bien arrière

De mes prochains, frères, sœurs et amis.

Mais toutefois, quelque part que soit mis,

On ne saurait tellement fermer l'huys

384

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle Que tu ne sois tout soudain où je suis'. [32]»

Mais Marguerite ne s'en tint pas là; elle écrivit aussitôt à son frère pour solliciter de lui la grâce de son gentilhomme. Heureuse si elle pouvait le soustraire à temps à la haine de ses ennemis. En attendant cette victime, Beda résolut de faire trembler les adversaires de la Sorbonne et des moines, en abattant le plus célèbre d'entre eux.

Érasme s'est élevé contre Luther; mais n'importe ! si l'on parvient à perdre Érasme, à bien plus forte raison la ruine de Farel, de Luther et de leurs associés sera-t-elle inévitable. Le plus sûr pour atteindre un but est de viser au-delà. Quand on tiendra le pied sur la gorge au philosophe de Rotterdam, quel est le docteur hérétique qui échappera aux vengeances de Rome? Déjà Le couturier, communément appelé de son nom latin Sutor, avait pris les devants, en lançant contre Érasme, de sa solitaire cellule de chartreux, un écrit plein de violence, où il appelait ses adversaires, des théologisâtes, de petits ânes, et leur imputait des scandales, des hérésies et des blasphèmes. Traitant des sujets auxquels il n'entendait rien, il rappelait, dit malignement Érasme, ce vieux proverbe : Ne sutor ultra crepidam : Que le savetier (ou le couturier) ne raccommode que ses savates. »

Beda accourut pour soutenir son confrère. Il ordonna à Érasme de ne plus écrire

[33]; et prenant lui-même cette plume qu'il enjoignait au plus grand écrivain du siècle de poser, il fit un choix de toutes les calomnies que les moines avaient inventées contre l'illustre philosophe, les traduisit en français et en composa un livre qu'il répandit à la cour et à la ville, cherchant à ameuter contre lui la France tout entière [34]. Ce livre fut le signal de l'attaque; de toutes parts on fondit sur Érasme. Un vieux carme de Louvain, Nicolas d'Ecmond, s'écriait chaque fois qu'il montait en chaire : Il n'y a point de différence entre Érasme et Luther, si ce n'est qu'Érasme est un plus grand hérétique [35]; » et partout où le carme se trouvait, à table, en voiture, en galiote, il appelait Érasme un hérésiarque et un faussaire [36].

La faculté de Paris, remuée par ces clameurs, prépara une censure de l'illustre écrivain.

Erasme fut consterné. Voilà donc à quoi aboutissaient tous ses ménagements, et même son hostilité contre Luther. Plus qu'aucun autre, il s'est mis à la brèche; et l'on veut maintenant se servir de lui comme d'un pont, et le fouler aux pieds, pour atteindre plus sûrement de communs ennemis. Cette idée le révolte; il fait brusquement volte-face, et à peine a-t-il attaqué Luther, qu'il se tourne contre ces fanatiques docteurs, qui viennent le frapper par derrière. Jamais sa correspondance ne fut plus active. Il regarde tout autour de lui, et son prorata regard découvre aussitôt en quelles mains se trouve son sort. Il n'hésite pas : il portera ses plaintes et ses cris aux pieds de la Sorbonne, du parlement, du roi, de l'empereur même.

« Qui a fait naître cet immense incendie de Luther, écrivit-il à ceux des théologiens de la Sorbonne dont il espérait encore quelque impartialité, qui l'a attisé, si ce ne 385

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle sont les furies de Bedal? A la guerre, un soldat qui a bien fait son devoir reçoit une récompense de ses généraux; et moi, toute la récompense que je recevrai de vous, les généraux de cette guerre, ce sera d'être livré aux calomnies des Beda et des Lecouturier! [37]» « Quoi, écrivit-il au parlement de Paris, j'étais aux prises avec ces Luthériens, et tandis que je livrais un rude combat par les ordres de l'empereur, du pape et des autres princes, au péril même de ma vie, Lecouturier et Beda m'attaquent par derrière avec des libelles furieux! Ah! si la fortune ne nous avait enlevé le roi François, j'eusse imploré ce vengeur des muses contre cette nouvelle invasion des barbares Mais maintenant c'est à vous d'arrêter tant d'iniquité ! [38]»

A peine entrevit-il la possibilité de faire parvenir une lettre au roi, qu'il lui écrivit aussi. Son regard pénétrant sut voir dans ces fanatiques docteurs de la Sorbonne Tes germes de la ligue, les prédécesseurs de ces trois prêtres, qui devaient un jour établir les seize contre le dernier des Valois; son génie prédit au roi des crimes et des malheurs que ses descendants ne devaient que trop connaître. « C'est la foi qu'ils mettent en avant, dit-il, mais « ils aspirent à la tyrannie, même envers les princes. Ils marchent d'un pas sûr, quoique sous terre. Que le prince s'avise de ne leur être pas soumis en toutes choses, aussitôt ils déclareront qu'il peut être destitué par l'Église, c'est-à-dire, par quelques faux moines et quelques faux théologiens conjurés contre la paix publique [39]. »

Érasme, écrivant à François 1er, n'eût pu toucher une corde plus sensible.

Enfin, pour être plus sûr encore d'échapper à ses ennemis, Érasme invoqua la protection de Charles-Quint lui-même. Invincible empereur, lui dit-il, des hommes qui, sous le prétexte de la religion, veulent faire triompher leur ventre et leur despotisme [40], élèvent contre moi d'horribles clameurs. Je combats sous vos drapeaux et sous ceux de Jésus-Christ. Que votre sagesse et votre puissance rendent la paix au monde chrétien. ..»

C'est ainsi que le prince des lettres s'adressait à toutes les grandeurs du siècle. Le danger fut détourné de dessus sa tête; les puissances du monde intervinrent; les vautours durent abandonner une proie qu'ils croyaient déjà tenir dans leurs serres.

Alors ils portèrent ailleurs leurs regards, cherchant d'autres victimes. Elles ne leur manquèrent pas.

C'était en Lorraine que le sang devait d'abord de nouveau couler. Dès les premiers jours de la Réforme, il y eut association de zèle entre Paris et la patrie des Guise. Si Paris se reposait, la Lorraine se mettait à l'œuvre, et puis Paris recommençait, en attendant qu'on eût repris des forces à Nancy ou à Metz. Les premiers coups parurent devoir tomber sur un homme excellent, l'un des réfugiés de Bâle, ami de Farel et de Toussaint. Le chevalier d'Esch n'avait pu échapper, à Metz, aux soupçons des prêtres. On reconnut qu'il avait des rapports avec les chrétiens évangéliques, et on le fit prisonnier à Pont-à-Mousson, à cinq milles de Metz, sur les 386

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle bords de la Moselle [41]. Cette nouvelle remplit de douleur les Français réfugiés, et les Suisses eux-mêmes. « O cœur plein d'innocence! s'écria Ecolampade. J'ai cette confiance dans le Seigneur, ajoutait-il, qu'il nous gardera cet homme, dans la vie pour annoncer son nom en prédicateur de la justice, ou dans la mort pour le confesser en martyr [42]. »

Mais en même temps, Ecolampade désapprouvait la vivacité, l'entraîne ment, le zèle, à son avis sans prudence, qui distinguaient les réfugiés français. « Je désire, disait-il, que mes très-chers seigneurs de France ne se hâtent pas de retourner ainsi dans leur pays avant d'avoir bien examiné toutes choses; car le démon tend partout ses pièges. Néanmoins, qu'ils obéissent à l'Esprit de Christ et que cet Esprit ne les abandonne jamais [43]. »

On devait trembler, en effet, pour le sort du chevalier. Il y avait en Torraine un redoublement de haine. Le provincial des Cordeliers, frère Bonaventure Renel, confesseur du duc Antoine le Bon, homme effronté et peu recommandable sous le rapport de ses mœurs, laissait à ce prince faible, qui régna de 1 5o8 à 1544, une grande liberté dans ses plaisirs, et il lui persuadait, presque à titre de pénitence, de perdre sans misé ricorde tous les novateurs. Il suffit à chacun, di sait souvent ce prince si bien conseillé par Renel, de savoir le Pater et l'Ave Maria; les plus grands docteurs sont cause des plus grands troubles [44]»

Vers la fin de l'an 1524, on apprit à la cour du duc, qu'un pasteur, nommé Schuch, prêchait une doctrine nouvelle, dans la ville de Saint-Hippolyte, située au pied des Vosges. « Qu'ils rentrent dans l'ordre, dit Antoine le Bon, sinon je marche contre la ville, et j'y mets tout à feu et à sang [45]. »

Alors le fidèle pasteur prit la résolution de se dévouer pour ses brebis; il se rendit à Nancy, où résidait le prince. A peine arrivé, on le jeta dans une infecte prison, sous la garde d'hommes grossiers et cruels; et le frère Bonaventure vit, enfin l'hérétique en sa puissance. Ce fut lui qui présida à l'enquête. « Hérétique! lui disait-il, Judas!

Diable! » Schuch, calme et recueilli, ne répondait point à ces injures; mais tenant en main sa Bible toute couverte de notes qu'il y avait inscrites, il confessait avec douceur et avec force Jésus-Christ crucifié. Tout à coup il s'anime; il se lève avec courage; il hausse la voix, comme saisi par l'Esprit d'en haut, et regardant en face ses juges, il leur dénonce les terribles jugements de Dieu.

Le frère Bonaventure et ses compagnons, épouvantés et transportés de rage, se jettent sur lui en poussant des cris, lui arrachent cette Bible dans laquelle il lisait de si menaçantes paroles, et comme chiens enragés, dit le chroniqueur, ne pouvant mordre sur sa doctrine, ils la brûlèrent en leur couvent*. [46]»

Toute la cour de Lorraine retentit de l'obstination et de l'audace du ministre de Saint-Hippolyte, et le prince, curieux d'entendre l'hérétique, voulut être présent à 387

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle sa dernière comparution, en secret toutefois et caché à tous les regards. Mais l'interrogatoire ayant lieu en latin, il ne put le comprendre; seulement il fut frappé de voir le ministre ferme dans sa contenance, ne paraissant ni vaincu, ni étonné.

Indigné de cette obstination, Antoine le Bon se leva, et dit en s'en allant : « Pourquoi disputer encore? Il nie le sacrement de la messe; que l'on procède à exécution contre lui [47].» Aussitôt Schuch fut condamné à être brûlé vif. En apprenant sa sentence, il leva les yeux au ciel, et dit avec douceur : « Je me suis réjoui à cause de ceux qui me disaient : Nous irons à la maison de l'Éternel [48].»

Le 19 août 15a5, toute la ville de Nancy était en émoi. Les cloches annonçaient la mort d'un hérétique. La lugubre procession se mit en marche. Il fallait passer devant le couvent des Cordeliers, qui, joyeux et dans l'attente, étaient réunis devant la porte. Au moment où Schuch parut, le père Bonaventure montrant les images sculptées sur le portail du couvent, s'écria: « Hérétique ! Porte honneur à Dieu, à sa mère et aux saints! » —

« O hypocrites!» répondit Schuch en demeurant la tête levée devant ces morceaux de bois et de pierre, Dieu vous détruira et amènera à lumière vos tromperies ! .. »

Le martyr étant arrivé au lieu du supplice, on brûla premièrement ses livres en sa présence; puis on le somma de se rétracter; mais il refusa en disant : « C'est toi, ô Dieu, qui m'as appelé, et tu m'affermiras jusqu'à la fin *. [49]»

Alors il se mit à prononcer à haute voix le psaume LI : « O Dieu! Aie pitié de moi selon ta miséricorde! » Etant monté sur le bûcher, il continua à réciter le psaume jusqu'à ce que la fumée et les flammes eurent étouffé sa voix.

Ainsi les persécuteurs de France et de Lorraine voyaient recommencer leurs triomphes; enfin on faisait attention à leurs avis. Des cendres hérétiques avaient été jetées au vent à Nancy; c'était une provocation adressée à la capitale de la France. Quoi! Beda et Lecouturier seraient les derniers à montrer leur zèle pour le pape! Que les flammes répondent aux flammes, et que bientôt l'hérésie, balayée du sol du royaume, soit entièrement rejetée au-delà du Rhin.

Mais avant de réussir, Beda devait avoir à sou tenir un combat moitié sérieux, moitié plaisant, contre l'un de ces hommes pour lesquels la lutte avec la papauté n'est qu’un jeu de l'esprit et non un intérêt du cœur.

Parmi les savants que Briçonnet avait attirés dans son diocèse, se trouvait un docteur de la Sorbonne, nommé Pierre Caroli, homme vain, léger, aussi brouillon et chicaneur que Beda lui-même. Caroli vit dans la nouvelle doctrine un moyen de faire de l'effet et de contrarier Beda, dont il ne pouvait supporter la domination.

Aussi, étant revenu de Meaux à Paris, il y fit grande sensation en portant dans toutes les chaires ce qu'on appelait « la nouvelle manière de prêcher.» Alors commença entre les deux docteurs une lutte infatigable; c'était coup contre coup et 388

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle ruse contre ruse. Beda cite Caroli devant la Sorbonne, et Caroli l'assigne à l'officialité en réparation d'honneur.

La faculté continue son enquête, et Caroli signifie un acte d'appel au parlement. On lui interdit la chaire par provision, et il prêche dans toutes les églises de Paris. On lui ferme décidément toutes les chaires, et il explique publiquement les psaumes dans le collège de Cambrai. La faculté lui défend de continuer cet exercice, et il demande d'achever l'explication du psaume 22, qu'il a commencée. Enfin, sa demande est rejetée, et alors il placarde aux portes du collège l'affiche suivante. : «

Pierre Caroli, voulant obtempérer aux ordres de la sacrée faculté, cesse enseigner; il reprendra ses leçons (quand il plaira à Dieu) à ce verset où if en est resté: Ils ont percé mes mains et mes pieds. [50]» Ainsi Beda avait enfin trouvé un lutteur qui le valait. Si Caroli eût défendu sérieusement la vérité, le feu en eût bientôt fait justice; mais il avait un esprit trop profane pour qu'on le mît à mort. Comment faire mourir un homme qui décontenançait ses juges? Ni l'officialité, ni le parlement, ni le conseil ne purent jamais juger définitivement sa cause. Deux hommes tels que Caroli eussent mis à bout l'activité de Beda lui-même; mais la Réformation n'en vit pas deux ?

Cette lutte impertinente finie, Beda se mit à des affaires plus sérieuses.

Heureusement pour le syndic de la Sorbonne, il y avait des hommes qui prêtaient mieux prise à la persécution que Caroli. Briçonnet, il est vrai, Érasme, Lefèvre, Berquin lui avaient échappé; mais puisqu'il ne peut at teindre ces grands personnages, il se contentera de moindres. Le pauvre jeune Jacques Pavanne, de puis son abjuration de Noël 15a4, était toujours dans les larmes et les soupirs. On le rencontrait l'air morne, le regard fixé vers la terre, gémissant en lui-même et se faisant de vifs reproches d'avoir renié son Sauveur et son Dieu [51]

Pavanne était sans doute le plus modeste et le plus innocent des hommes; mais n'importe! il avait été à Meaux; cela suffisait alors. « Pavanne est relaps! s'écrie-t-on; le chien est retourné à ce qu'il avait vomi, et la truie lavée se vautre de nouveau dans le bourbier! » Il fut aussitôt saisi, jeté en prison, et conduit devant les juges.

C'était tout ce que le jeune maître Jacques demandait. Il se sentit soulagé dès qu'il fut dans les fers, et retrouva toute sa force pour confesser hautement Jésus-Christ

[52]. Les cruels sourirent en voyant que cette fois-ci, rien ne pouvait leur enlever leur victime; point de rétractation, point de fuite, point de patronage puissant. La douceur du jeune homme, sa candeur, son courage, rien ne pouvait adoucir ses adversaires. Il les regardait avec amour; car en le jetant dans les chaînes, ils lui avaient rendu sa tranquillité et sa joie; mais ce regard si tendre endurcissait encore plus leur cœur.

Son procès fut promptement instruit, et bientôt la place de Grève vit s'élever un bûcher, où Pavanne mourut joyeusement, en fortifiant par son exemple tous ceux 389

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle qui dans cette grande ville croyaient ouvertement ou secrètement à l'Évangile de Christ. Ce n'était pas assez pour la Sorbonne. Si ce sont des petits que l'on immole, il faut au moins que le nombre rachète la qualité. Les flammes de la place de Grève ont jeté l'effroi dans Paris et dans la France; mais un nouveau bûcher allumé sur quelque autre place, doublera la terreur. On s'en entretiendra à la cour, dans les collèges et dans les ateliers du peuple; et de telles preuves apprendront mieux que toutes les ordonnances, que Louise de Savoie, la Sorbonne et le parlement sont décidés à sacrifier jusqu'au dernier hérétique aux anathèmes de Rome.

Dans la forêt de Livry, à trois lieues de Paris, non loin de l'endroit où s'élevait l'antique abbaye de l'ordre de Saint-Augustin, vivait un ermite qui, ayant rencontré dans ses courses des hommes de Meaux, avait reçu dans son cœur la doctrine évangélique [53]. Le pauvre ermite s'était trouvé bien riche dans son réduit, quand un jour, avec le pain chétif que la charité publique lui donnait, il y avait rapporté Jésus-Christ et sa grâce. Dès lors il avait compris qu'il valait mieux donner que recevoir. Il allait de maison en maison dans les villages d'alentour, et à peine avait-il ouvert les portes des pauvres paysans dont il visitait les humbles cabanes, qu'il leur parlait de l'Évangile, du pardon complet qu'il donne aux âmes angoissées, et qui vaut mieux que les absolutions [54]. Bien tôt le bon ermite de Livry fut connu dans les environs de Paris; on vint le chercher dans son pauvre ermitage; et il fut un doux et fervent missionnaire pour les âmes simples de ces contrées.

Le bruit des faits du nouvel évangéliste ne tarda pas à arriver aux oreilles de la Sorbonne et « Cette semence de Faber et de ses disciples, prise au grenier de Luther, germa dans le sot esprit d'un ermite, qui se tenait près la ville de Paris. »

de la justice de Paris. L'ermite fut appréhendé, traîné hors de son ermitage, de sa forêt, de ces campagnes par lui journellement parcourues, jeté en un cachot dans la grande ville qu'il avait toujours évitée, jugé, convaincu et condamné à être exemplairement punie de -peine de petit feu [55]. »

On résolut, pour faire un plus grand exemple, qu'il serait brûlé vif au parvis Notre-Dame, devant cette illustre basilique, symbole majestueux de la catholicité romaine.

Tout le clergé fut convoqué, et l'on déploya une grande pompe, comme aux jours les plus solennels [56]. On eût voulu assembler tout Paris autour de ce bûcher, « étant sonnée, dit un historien, la grosse cloche du temple de Notre-Dame à grand branle, pour émouvoir le peuple de toute la ville [57].»

De toutes les rues aboutissants le peuple accourait, en effet, sur la place. Les sons majestueux de l'airain arrêtaient l'ouvrier dans son travail, l'écolier dans ses études, le marchand dans son trafic, le soldat du roi dans son oisiveté, et déjà toute la place était couverte d'une foule immense, que l'on accourait encore. L'ermite, recouvert des vêtements attribués aux hérétiques obstinés, la tête et les pieds nus, avait été amené devant les portes de la cathédrale. Tranquille, ferme, recueilli, il ne 390

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle répondait aux exhortations des confesseurs qui lui présentaient le crucifix, qu'en leur déclarant que son espérance était uniquement dans le pardon de Dieu.

Les docteurs de la Sorbonne, au premier rang des spectateurs, voyant sa constance, et l'effet qu'elle produisait sur le peuple, criaient à haute voix : « C'est un homme damné qu'on mène au feu d'enfer [58] !» Cependant on sonnait toujours à la volée la grande cloche, dont les sons, en étourdissant les oreilles de la foule, augmentaient la solennité de cette lugubre fête. Enfin la cloche se tut, et le martyr ayant répondu aux dernières questions de ses adversaires, qu'il voulait mourir dans la foi en son Seigneur Jésus-Christ, fut, ainsi que le portait le jugement, « brûlé à petit feu.»

Ainsi mourut paisiblement au parvis Notre-Dame, au milieu des cris et de l'émotion de tout un peuple, sous les tours élevées par la piété de Louis le Jeune, cet homme dont l'histoire ne nous a pas même conservé le nom, « l'ermite de Livry. »

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FOOTNOTES

[1] Les Marguerites de la Marguerite, I, p. ay.

[2] Plus quam scurrilibus conviciis debacchantes (Er. Francisco Régi, p. 1108.)

[3] Pro meis verbis supponitsua, praetermittit, addit (Ibid., p. 887.)

[4] Cum itaque cerneram tres istos ... uno animo in opéra meritoria conspirasse.

(Natalis Beda; Apologia adversus clan destinos Lutheranos, fol. 41.)

[5] Mazurius contra occultos Lutheri discipulos déclamat, ac recentis veneni celeritatem vimque denunciat. (Lannoi, regii Navarrae gymnasii Historia, p. 6a i.)

[6] Histoire de l'Université, par Crevier, V, p. 196.

[7] De la religion catholique en France, par de Lezeau, ma nuscrit de la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris.

[8] Le manuscrit de la bibliothèque Sainte-Geneviève, à Paris, dont j'ai tiré ce fragment, porte le nom de Lezeau, mais sur le catalogue celui de Lefèbre.

[9] Histoire de l'Université, par Crevier, V, p. 204.

[10] Il se trouve dans la bibliothèque des pasteurs de Neu ehâtel, une lettre de Sebville, où on lit le passage suivant :

[11] Hist. de l'Université par CrevierV, p. 204.

[12] Maimbourg. Histoire du calv., p. 14.

[13] Manuscrit de la bibliothèque royale. S. F., n' 337.

391

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle

[14] Maimbourg. Histoire ducalv., p. 15.

[15] Crucis statim ohlatae terrore perculsus. (Bezae Icônes.)

[16] Dementatus. (Ibid.)

[17] Utepiscopus etiam desisterel suis consiliis effecit. (Lau noi, regii Navarrae gyinnasii hist., p. 621.)

[18] Nisi turpi palinodia gloriam hanc omnem ipse sibi invi disset. (Bpzae Icônes.)

[19] Mézcray, II, p. 981. Daniel, Y, p. 644. Moréri, article Briçonnet.

[20] Perpendens perniciosissimam demonis fallaciam ... Oc ciu-ri quantum valui.

(Nat. Bedae Apolog. adv. Lutheranos. fol. 42.)

[21] J. Ldong. Bibliôth. sacrée, seconde partie, p. 44

[22] Év. selon saint Matthieu, chap. X, v. 14 et 2!$.

[23] Quod excussi sunt a facie Doinini sicut pulvis ille excus sus est a pedibus.

(Faber in Ev. Matth., p. 4°.)

[24] Faber stapulensis et Gerardus Rufus, clam e Gallia pro fecti, Capitonem et Bucerum audierunt. (Melch. Adam, vita Capitonis, p. 90.)

[25] De omnibus doctrinae praecipnis locis cum ipsis disse ruerint. (Ibid.)

[26] Missi a Margaretha régis Francisci sorore. (Melch. Ad. Vit- Capitonis, p. 90.)

[27] Farel à tous seigneurs, peuples et pasteurs.

[28] Quod et pins senex fatebatur; meque hortabatur perge rem in annuntiatione sacri Evangelii. (Farellus Pellicano Hot ting.H. L., VI, p. 17.)

[29] Nam latere cupiunt et tamen pueris noti sunt. (Capito Zwinglio Epp., p. tt'ig.)

[30] Erasme, Epp., p. ga3.

[31] Actes des Martyrs, p. io3.

[32] Marguerites de la Marguerite des princesses, I, p. /|45.

[33] Primum jubet ut desinam scribere. (Erasm. Epp., page 921.)

[34] Ut totam Galliam in me concitaret. (Ibid., p. 886.)

[35] Nisi quod Erasmus esset major hereticus. (Ibid., p. e)15.)

[36] Quoties in conviciis, in vehiculis, in navibus... (Ibid.) 392

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle

[37] Hoc gravissimum Lutheri incendium, unde natum, unde hue progressum, nisi ex Beddaïcis intemperiis. (Erasm. Epp., p. 887.)

[38] Musaruin vindicem adversus barbarorum incursiones. (Er. Epp., p. 2070.)

[39] Nisi princeps ipsorum voluntati per omnia paruerit, di cetur fantor haereticorum et destitui poterit per ecclesiam. (Er. Epp., p. 1108.)

[40] Simulato religionis praetextu, ventris tyrannidisque suse, negotium agentes.

(Er. Epp., p. 96a.)

[41] Noster eaptus detinetur in Bundnmosa quinque millibus a Métis. (OEcol.

Farello Epp., p. 201.)

[42] Vel vivum confessorem, vel mortuum martyrem servabit. (Ibid.)

[43] Tïollem carissimos dominos meos gai I os properarw in Galliam.. (Ibid.)

[44] Actes des Martyrs, p. 97.

[45] Ibid., p. 95.

[46] Act. des Mart., recueillis par Crespin, en français, p. 97. »

[47] Histoire de François 1er, par Gaillard, IV., p. a33.

[48] Psaume 122, v. 1.

[49] Eum auctorem vocationis suae atque conservatorem, ad extremum usque.spiritum recognovit. (Acte Mart., p. aoa.)

[50] 1 Gerdesius, Historia seculi XVI renovati, p. 5a. —D'Ar gentré, collectio judiciorum de novis erroribus, II, p. a1.— Gaillard, Hist. de François 1er, tom. IV., p. a33.

[51] Animi factum suum detestantis dolorem, saepe declara verit. (Acta Mart., p.

2o3.)

[52] Puram religionis Christian» confessionem addit. (Acte Mart., p. ao3.)

[53] Hist. catholique de notre temps par S. Fontaine. Paris, 1562.

[54] Lequel par les villages qu'il fréquentait, sous couleur de faire ses quêtes, tenait propos hérétiques. (Ibid.)

[55] Histoire catholique de notre temps, par Fontaine.

[56] Avec une grande cérémonie. (Histoire des Egl. réf., par Théod. de Bèze, I, p. 4-)

[57] Ibid.

393

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle

[58] Histoire des Égl. réf., par Théod. de Bèze, I, 4.

394

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle CHAPITRE XV.

Tandis que les hommes mettaient ainsi à mort les premiers confesseurs de Jésus-Christ en France, Dieu en préparait de plus puissants. Beda traînait au supplice un modeste écolier, un humble ermite, et croyait presque y traîner avec eux toute la Réforme. Mais la Providence a des ressources que le monde ne connaît pas.

L'Evangile, comme l'oiseau de la fable, porte en lui un principe de vie, que les flammes ne peuvent consumer, et il renaît de ses cendres. C'est souvent à l'instant même où l'orage est le plus fort, où la foudre semble avoir abattu la vérité et où la nuit la plus obscure la recouvre, qu'une lueur soudaine brille pour elle et annonce une grande délivrance.

Alors que toutes les puissances humaines s'armaient en France pour la destruction totale de la Réformation, Dieu préparait un instrument, faible en apparence, pour soutenir un jour ses droits et défendre sa cause avec une intrépidité plus qu'humaine. Au milieu des persécutions et des bûchers qui se succèdent et qui se pressent depuis que François 1er est prisonnier de Charles, arrêtons notre regard sur un enfant, appelé à se mettre un jour à la tête d'une grande armée, dans les saintes luttes d'Israël.

Parmi les habitants de la ville et des collèges de Paris, qui entendirent les sons de la grosse cloche, se trouvait un jeune écolier de seize ans, natif de Noyon en Picardie, d'une taille médiocre, d'une figure pâle, et dont les yeux perçants et le regard plein de vie annonçaient un esprit d'une sagacité peu commune [1]. Ses habits, d'une grande propreté, mais aussi d'une parfaite simplicité, indiquaient l'ordre et la modestie [2]. Ce jeune homme, nommé Jean Cauvin ou Calvin, étudiait alors au collège de la Marche, sous Mathurin Cordier, régent célèbre par sa probité, son érudition et les dons qu'il avait reçus pour instruire la jeunesse. Élevé dans toutes les superstitions de la papauté, l'écolier de Noyon était aveuglément soumis à l'Église, adonné avec docilité à ses pratiques [3], et persuadé que les hérétiques avaient bien mérité les flammes qui les consumaient. Le sang qui coulait alors dans Paris grandissait encore à ses yeux le crime de l'hérésie. Mais quoique d'un naturel timide et craintif, et qu'il a appelé lui-même mou et pusillanime [4], il avait cette droiture et cette générosité de cœur qui portent à tout sacrifier pour les convictions qu'on a acquises. Aussi, en vain sa jeunesse était-elle frappée de ces affreux spectacles, en vain sur la place de Grève et sur le parvis Notre-Dame, des flammes homicides consumaient- elles de fidèles disciples de l'Évangile, le souvenir de ces horreurs ne devait point l'empêcher un jour d'entrer dans cette voie nouvelle, où l'on semblait n'avoir à at tendre que les prisons et l'échafaud. Au reste, on trouvait déjà dans le caractère du jeune Calvin, des traits qui annonçaient ce qu'il devait être.

La sévérité de la morale préludait en lui à la sévérité de la doctrine, et l'on pouvait reconnaître dans l'écolier de seize ans un homme qui prendrait au sérieux tout ce 395

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle qu'il aurait reçu, et qui demanderait avec fermeté aux autres ce que lui-même trouverait tout simple de faire. Tranquille et grave pendant les leçons, ne prenant à l'heure des récréations aucun plaisir aux amusements et aux folies de ses condisciples, se tenant à part [5] et plein d'horreur pour le vice, il censurait quelquefois leurs désordres avec sévérité, avec quelque âpreté même [6].

Aussi un chanoine de Noyon nous assure-t-il que ses disciples l'avaient surnommé l’accusatif [7]. Il était au milieu d'eux le représentant de la conscience et du devoir, tant il était loin d'être ce que quelques calomniateurs ont voulu le faire. La figure pâle, le regard perçant de l'écolier de seize ans, inspiraient déjà plus de respect à ses camarades que la robe noire de leurs maîtres; et cet enfant picard, de petite taille, et d'une apparence craintive, qui venait s'asseoir chaque jour sur les bancs du collège de la Marche, y était déjà, sans y penser, par la gravité de sa parole et de sa vie, comme un ministre et un réformateur.

Ce n'était pas seulement sous ces rapports que le jeune garçon de Noyon s'élevait au-dessus de ses condisciples. Sa grande timidité l'empêchait quelquefois de manifester l'horreur que lui inspiraient la vanité et le vice; mais il consacrait déjà alors à l'étude toute la force de son génie et de sa volonté; et à le voir, on pouvait pressentir l'homme qui userait sa vie au travail. Il comprenait tout avec une inconcevable facilité; il courait dans ses études là où ses condisciples ne se traînaient que lentement, et il gravait profondément dans son jeune génie ce que d'autres mettaient beaucoup de temps à apprendre superficiellement. Aussi ses maîtres devaient-ils le sortir des rangs et le faire passer seul à des études nouvelles

[8].

Parmi ses condisciples se trouvaient les jeunes de Mommor, appartenant à la première noblesse de la Picardie. Jean Calvin était intimement lié avec eux, surtout avec Claude, qui fut plus tard abbé de Saint-Eloi et auquel il dédia son commentaire sur Sénèque. C'était dans la compagnie de ces jeunes nobles que Calvin était venu à Paris. Son père, Gérard Cauvin, notaire apostolique, procureur fiscal du comté de Noyon, secrétaire de l'évêché et promoteur du chapitre [9], était un homme judicieux et habile, que ses talents avaient porté à ces charges recherchées par les meilleures familles, et qui avait su gagner l'estime de tous les gentilshommes du pays, et en particulier de l'illustre famille de Mommor [10]. Gérard demeurait à Noyon; il avait épousé une jeune fille de Cambrai, d'une beauté remarquable et d'une piété craintive, nommée Jeanne Lefranq, qui lui avait déjà donné un fils nommé Charles, quand elle mit au monde, le 10 juillet 15og, un second fils, qui reçut le nom de Jean et fut baptisé dans l'église de Sainte-Godeberte [12] Un troisième fils, nommé Antoine, qui mourut de bonne heure, et deux filles, complétèrent la famille du procureur fiscal de Noyon [13].

396

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle Gérard Cauvin, vivant dans des rapports inti mes avec les chefs du clergé et les premiers de la province, voulut que ses enfants reçussent la même éducation que ceux des meilleures familles. Jean, dont il avait reconnu les talents précoces, fut élevé avec les fils de la maison de Mommor; il était chez eux comme l'un d'eux et prenait les mêmes leçons que le jeune Claude. Ce fut dans cette famille qu'il apprit les premiers éléments des lettres et de la vie, et il eut ainsi une culture plus relevée que celle qu'il paraissait destiné à recevoir [14].Plus tard on l'envoya au collège des Capeltes, fondé dans la ville de Noyon [15]. L'enfant n'avait que peu de récréations.

La sévérité, qui fut l'un des traits du caractère du fils, se trouvait aussi dans le père. Gérard l'élevait rigidement; Jean dut plier, dès ses plus tendres années, sous la règle inflexible du devoir; il s'y forma de bons lieurs, et l'influence du père combattit ainsi celle de la famille de Mommor. Calvin, d'un caractère craintif et d'une nature un peu rustre, dit-il lui-même [16], rendu encore plus timide par la sévérité de son père, fuyait les beaux appartements de ses protecteurs et aimait à demeurer seul et dans l'ombre [17].

Ainsi sa jeune âme se formait dans la retraite aux grandes pensées. Il paraît qu'il allait quelque fois au village de Pont-l'Évêque, près de Noyon, où son grand-père habitait une chaumière [18], et où d'autres parents encore, qui changèrent plus tard de nom par haine de l'hérésiarque, recevaient alors avec bonté le fils du procureur fiscal. Mais c'était aux études que le temps du jeune Calvin était surtout consacré.

Tandis que Luther, qui devait agir sur le peuple, fut élevé comme un enfant du peuple, Calvin, qui devait agir surtout comme théologien, comme penseur, et devenir le législateur de l'Église renouvelée, reçut dès son enfance une éducation plus libérale [19].

Un esprit de piété se manifesta de bonne heure dans le cœur de l'enfant. Un auteur rapporte qu'on l'accoutuma, jeune encore, à prier en plein air, sous la voûte du ciel; ce qui contribua à réveiller dans son cœur le sentiment de la présence de Dieu [20].

Mais quoique Calvin ait pu dès son enfance entendre la voix de Dieu dans son cœur, personne à Noyon n'était plus rigide que lui dans l'observance des règles ecclésiastiques. Aussi Gérard, frappé de ces dispositions, conçut-il le dessein de vouer son fils à la théologie [21].

Cette perspective contribua sans doute à donner à son âme cette forme grave, ce caractère théologique, qui le distingua plus tard. Son esprit était de nature à recevoir de bonne heure une forte empreinte et à se familiariser dès le jeune âge avec les pensées les plus élevées. Le bruit qu'il fut alors enfant de chœur n'aucun fondement, d'après le témoignage de ses adversaires eux-mêmes. Mais ils assurent qu'étant enfant, on le vit porter aux processions, en guise de croix, une épée à garde croisée [22]. Pré sage de ce qu'il serait un jour, ajoutent- ils. Le Seigneur a rendu ma bouche semblable à une épée aiguë », dit, dans Ésaïe, le serviteur de l'Éternel.

On peut le dire de Calvin.

397

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle Gérard était pauvre; l'éducation de son fils lui coûtait beaucoup, et il désirait l'attacher irrévocablement à l'Eglise. Le cardinal de Lorraine avait été fait, à l'âge de quatre ans, coadjuteur de l'évêque de Metz. C'était alors une chose ordinaire que de donner à des enfants des titres et des revenus ecclésiastiques. Alphonse de Portugal fut fait cardinal par Léon X à huit ans, et Odet de Châtillon par Clément VII à onze ans; plus tard la célèbre mère Angélique de Port-Royal fut faite, à sept ans, coadjutrice de ce monastère. Gérard, qui mourut fidèle catholique, était bien vu de l’évêque de Noyon, messire Charles de Hangest, et de ses vicaires généraux.

Aussi le chapelain de la Gésine ayant résigné sa charge, l'évêque donna-t-il, le 21

mai 15ai, ce bénéfice à Jean Calvin, alors âgé de près de douze ans. La communication en fut faite au chapitre huit jours après. La veille de la fête du Saint-Sacrement, l'évêque coupa solennellement les cheveux de l'enfant [23], et par cette cérémonie de la tonsure, Jean entra dans la cléricature, et devint capable d'être admis aux ordres sacrés et de posséder un bénéfice, sans résider sur les lieux mêmes.

Ainsi Calvin était appelé à faire sur lui-même, comme enfant, l'expérience des abus de l'Église de Rome. Il n'y avait pas de tonsuré dans le royaume plus sérieux dans sa piété que le chapelain de la Gésine, et le grave enfant était peut-être étonné lui-même de l'œuvre que faisaient l'évêque et ses vicaires généraux. Mais il vénérait trop, dans sa simplicité, ces hauts personnages, pour se permettre le moindre soupçon sur la légitimité de sa tonsure. Il avait ce titre depuis deux ans lors qu'une peste terrible vint affliger Noyon. Plusieurs chanoines adressèrent requête au chapitre, afin qu'il leur fût permis de quitter la ville. Déjà beaucoup d'habitants avaient été frappés par la grande mort, et Gérard commençait à penser avec crainte que Jean son fils, l'espoir de sa vie, pouvait être en un moment enlevé à sa tendresse par le fléau de Dieu. Les enfants de Mommor allaient continuer à Paris leurs études; c'était tout ce que le procureur fiscal n’avait jamais désiré pour son fils. Pourquoi séparerait-il Jean de ses condisciples? Il présenta en conséquence, le 5

août une requête au chapitre, aux fins de procurer au jeune chapelain congé d'aller où bon lui semblerait durant la peste, sans perdre ses distributions; ce qui lui fut accordé jusqu'à la fête de Saint a Remy [24]. »

Jean Calvin quitta donc la maison paternelle étant alors âgé de quatorze ans. Il faut un grand courage dans la calomnie, pour attribuer son départ à d'autres causes, et pour affronter ainsi de gaieté de cœur, la honte qui retombe justement sur les fauteurs d'accusations, dont la fausseté est si authentiquement démontrée. Calvin descendit, à ce qu'il paraît, à Paris, chez un de ses oncles, Richard Cauvin, qui demeurait près de l'église de Saint-Germain-L’auxerrois. « Ainsi fuyant la peste, dit le chanoine de Noyon, il fut la prendre ailleurs. »

Un monde nouveau s'ouvrit devant le jeune homme dans la métropole des lettres. Il en profita, se mit à l'étude et fit de grands progrès dans la latinité. Il se familiarisa 398

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle avec Cicéron, et apprit de ce grand maître à manier la langue des Romains avec une facilité, une pureté, un naturel qui firent l'admiration de ses ennemis eux-mêmes.

Mais il trouvait en même temps dans cette langue des richesses qu'il devait transporter plus tard dans la sienne.

Jusqu'alors le latin avait été la seule langue lettrée. Il était et il est demeuré jusqu'à nos jours la langue de l'Église; ce fut la Réformation qui créa, ou du moins qui émancipa partout les langues vulgaires. Le rôle exclusif des prêtres avait cessé; le peuple était appelé à apprendre et à connaître. Dans ce seul fait se trouvait la fin de la langue du prêtre et l'inauguration de la langue du peuple. Ce n'est plus à la Sorbonne seulement, ce n'est plus à quelques moines, à quelques ecclésiastiques, à quelques lettrés que va s'adresser la pensée nouvelle; c'est au noble, au bourgeois, à l'artisan. On va prêcher à tous; il y a plus, tous vont prêcher; les cardeurs de laine et les chevaliers, aussi bien que les curés et les docteurs. Il faut donc une langue nouvelle, ou tout au moins il faut que la langue vulgaire subisse une immense transformation, une puissante émancipation, et que, tirée des communs usages de la vie, elle reçoive du christianisme renouvelé ses lettres de noblesse.

L'Évangile, si longtemps endormi, s'est réveillé; il parle, il s'adresse à la nation tout entière, il enflamme partout les plus généreuses affections; il ouvre les trésors du ciel à une génération qui ne pensait qu'aux petites choses d'ici-bas; il ébranle les masses; il les entretient de Dieu, de l'homme, du bien et du mal, du pape, de la Bible, d'une couronne dans le ciel, et peut-être d'un échafaud sur la terre. L'idiome populaire, qui n'avait été encore que la langue des chroniques et des trouvères, est appelé par la Réforme à un nouveau rôle, et par conséquent à de nouveaux développements. Un monde nouveau commence pour la société, et il faut au nouveau monde de nouveaux langages. La Réformation tira le français des langes où il avait été retenu jusqu'alors, et lui fit atteindre l'âge de majorité. Dès lors ce langage jouit pleinement de ces droits élevés, qui se rapportent aux choses de l'esprit et aux biens du ciel, et dont il avait été privé sous la tutelle de Rome.

Sans doute le peuple forme lui-même sa langue; c'est lui qui trouve ces mots heureux, ces expressions figurées et énergiques qui donnent au langage tant de couleur et de vie. Mais il est des ressources qui ne sont pas de son ressort et qui ne peuvent provenir que des hommes de l'intelligence. Calvin, appelé à discuter, à prouver, donna à la langue des liaisons, des rapports, des nuances, des transitions, des formes dialectiques, qu'elle n'avait point eus avant lui.

Déjà tous ces éléments commençaient à travailler dans la tête du jeune écolier du collège de la Marche. Cet enfant, qui devait être si puissant à manier le cœur humain, devait l'être aussi à subjuguer l'idiome dont il était appelé à se servir. La France protestante se forma plus tard au français de Calvin, et la France protestante, c'était ce qu'il y avait de plus instruit dans la nation; c'est d'elle que 399

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle sortirent ces familles de lettrés et de haute magistrature qui influèrent si puissamment sur la culture du peuple; c'est d'elle que sortit Port Royal [25], l'un des grands instruments qui ont servi à former la prose et même la poésie française, et qui, ayant tenté de porter dans le catholicisme gallican, la doctrine et la langue de la Réforme, échoua dans l'un de ses projets, mais réussit dans l'autre; car la France catholique-romaine dut venir apprendre de ses adversaires jansénistes et réformés à manier ces armes du langage, sans lesquelles elle ne pouvait les combattre [26].

Cependant, tandis que se formait ainsi, dans le collège de la Marche, le futur réformateur de la religion et du langage même, tout s'agitait au tour du jeune et grave écolier, sans qu’il ne prît encore aucune part aux grands mouvements qui remuaient la société. Les flammes qui avaient consumé l'ermite et Pavanne, avaient répandu la terreur dans Paris. Mais les persécuteurs n'étaient point satis faits; un système de terreur était mis en œuvre dans toute la France. Les amis de la Réforme n'osaient plus correspondre les uns avec les autres, de peur que leurs lettres interceptées ne signalassent à la vindicte des tribunaux et ceux qui les écrivaient et ceux à qui elles étaient adressées [27].

Un homme s'aventura pourtant à porter aux réfugiés de Bâle des nouvelles de Paris et de France, en cousant dans son pourpoint une lettre sans signa ture. Il échappa aux pelotons d'arquebusiers, à la maréchaussée des diverses généralités, aux inquisitions des prévôts et des lieutenants, et arriva à Bâle sans que le mystérieux pourpoint eût été fouillé. Ses récits frappèrent de terreur Toussaint et ses amis. «

Est chose épouvantable à ouïr ra conter les grandes cruautés qui se font là [28]!»

s'écria Toussaint. Peu auparavant étaient arrivés à Bâle, ayant les sergents de justice à leurs trousses, deux religieux de Saint-François, dont l'un, nommé Jean Prévost, avait prêché à Meaux et avait ensuite été jeté dans les prisons de Paris

[29]. Ce qu'ils disaient de Paris, de Lyon, où ils avaient passé, excitait toute la compassion des réfugiés. « Notre Seigneur y envoyé sa grâce! écrivait Toussaint à Farel; je vous promets que je me trouve aucune fois en grande angoisse et tribulation. [30]» Cependant ces hommes excellents ne perdaient pas courage. En vain tous les parlements étaient-ils aux aguets; en vain les espions de la Sorbonne et des moines venaient-ils épier dans les églises, dans les collèges, et jusque dans les familles, les paroles évangéliques qui pouvaient y être prononcées; en vain les hommes d'armes du roi arrêtaient-ils sur les routes tout ce qui semblait porter le sceau de la Réforme : ces Français, que Rome et les siens traquaient et écrasaient, avaient foi à un meilleur avenir, et saluaient déjà la fin de cette captivité de Babylone, comme ils l'appelaient.

« A la fin viendra la soixante-dixième année, l'année de la délivrance, disaient-ils, et la liberté « d'esprit et de conscience nous sera donnée [31]. » Mais les septante années devaient durer près de trois siècles, et ce n'est qu'après des malheurs inouïs que ces espérances devaient être réalisées.

400

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle Au reste, ce n'était pas des hommes que les réfugiés espéraient quelque chose. Ceux qui ont commencé la danse, disait Toussaint, ne demeureront point en chemin. «

Mais ils croyaient que le Seigneur connaissait ceux qu'il avait élus, et délivrerait lui-même son peuple avec puissance [32]. »

Le chevalier d'Esch avait en effet été délivré. Échappé aux prisons de Pont-à-Mousson, il était accouru à Strasbourg; mais il n'y était pas resté longtemps. Pour l'honneur de Dieu, avait aussi « tôt écrit Toussaint à Farel, tâchez que M. le «

chevalier, notre bon maître [33], s'en retourne le plus bref que possible sera; car nos autres frères ont grandement besoin d'un tel capitaine. » En effet, les Français réfugiés avaient de nouvelles craintes. Ils tremblaient que cette dispute sur la cène, qui les avait si fort affligés en Allemagne, ne passât le Rhin et vînt encore apporter en France de nouvelles douleurs. François Lambert, le moine d'Avignon, après avoir été à Zurich et à Wittemberg, était venu à Metz; mais on n'avait pas en lui une pleine confiance; on craignait qu'il n'apportât les sentiments de Luther, et que par des controverses inutiles, « monstrueuses», dit Tous saint, il n'arrêtât la marche de la Réformation [34]. Esch retourna donc en Lorraine; mais ce fut pour y être exposé de nouveau à de grands dangers avec tous ceux qui y cherchaient la gloire de Jésus-Christ [35]. »

Cependant Toussaint n'était pas de caractère à envoyer les autres à la bataille, sans s'y rendre lui-même. Privé du commerce journalier d'Ecolampade, réduit à la société d'un prêtre grossier, il avait cherché la présence de Christ, et son cou rage s'était accru. S'il ne pouvait retourner à Metz, ne pouvait-il du moins aller à Paris? Les bûchers de Pavanne et de l'ermite de Livry fumaient encore, il est vrai, et semblaient repousser loin de la capitale ceux qui avaient une foi semblable à la leur.

Mais si les collèges et les rues de Paris étaient frappés de terreur, en sorte que personne n'osât plus y prononcer les mots d'Évangile et de Réforme, n'était-ce pas une raison pour s'y rendre ? Toussaint quitta Bâle et arriva dans cette enceinte où le fanatisme avait pris la place des fêtes et de la dissolution. Il chercha, tout en avançant dans les études chrétiennes, à se lier avec les frères qui étaient dans les collèges, et sur tout dans celui du cardinal Lemoine, où Lefèvre et Farel avaient enseigné [36]. Mais il ne put longtemps le faire en liberté. La tyrannie des commissaires du parlement et des théologiens régnait souverainement dans la capitale, et quiconque leur déplaisait était par eux accusé d'hérésie [37]. Un duc et un abbé, qui ne nous sont pas nommés, dénoncèrent Toussaint comme hérétique; et un jour les sergents royaux arrêtèrent le jeune Lorrain et le jetèrent en prison.

Séparé de tous ses amis, traités comme un criminel, Toussaint sentit encore plus vivement sa misère.

« O Seigneur, s'écriait-il, n'é Joigne pas de moi ton Esprit! car sans lui je ne suis que chair et un égout de péché. » Il repas sait en son cœur, tandis que son corps était dans les chaînes, les noms de tous ceux qui combattaient encore librement 401

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle pour l'Évangile. C'était Écolampade son père et dont nous sommes ouvrage selon le Seigneur [38], » disait-il. C'était Le fèvre qu'il croyait, sans doute à cause de son âge, incapable de porter le poids de l'Évangile [39]; » Roussel « par lequel il espérait que le Seigneur « opérerait de grandes choses [40]; » Vaugris, qui déployait toute l'activité « du frère le plus tendre » pour l'arracher à ses ennemis [41]; c'était Farel en fin, auquel il écrivait : Je me recommande à vos « prières, de peur que je ne succombe dans ce -”h combat [42]. » Oh! comme tous les noms de ces hommes bien -

aimés adoucissaient l'amertume de sa prison, car il n'était pas près de succomber.

La mort, il est vrai, menaçait de l'atteindre dans cette cité où le sang d'une multitude de ses frères devait être versé comme de l'eau [43]; les amis de sa mère, de son oncle le primicier de Metz et le cardinal de Lorraine lui faisaient faire les offres les plus magnifiques [44] « Je les méprise, répondait-il; je sais que c'est une tentation de Dieu. J'aime mieux avoir faim, j'aime mieux être abject dans la maison du Seigneur, que d'habiter avec beaucoup de richesses dans les palais des impies

[45]. » En même temps il faisait une haute profession de sa foi. « C'est ma gloire, s'écriait-il, que d'être appelé hérétique par ceux dont je vois que la vie et la doctrine sont opposées à Jésus-Christ [46]. »

Et cet intéressant et courageux jeune homme signait ses lettres : Pierre Toussaint, indigne d'être appelé chrétien. » Ainsi des coups toujours nouveaux étaient portés à la Réforme en l'absence du roi. Berquin, Toussaint et bien d'autres étaient en prison; Schuch, Pavanne, l'ermite de Livry avait été mis à mort; Farel, Lefèvre, Roussel, un grand nombre d'autres défenseurs de la saine doctrine étaient exilés; des bouches puissantes étaient muettes. La lumière du jour évangélique s'obscurcissait de plus en plus, et l'orage grondant sans relâche, courbait, ébranlait et semblait devoir dé raciner cet arbre jeune encore, que la main de Dieu venait de planter au sol de la France. Ce n'était pourtant point encore assez. Axix humbles victimes qui avaient été immolées devaient en succéder de plus illustres. Les ennemis de la Réforme en France n'ayant pas réussi en commençant par le haut, s'étaient résignés à prendre l'œuvre par le bas, mais avec l'espérance d'élever toujours davantage la condamnation et la mort jusqu'à ce qu'elles vinssent atteindre aux plus hautes sommités. Cette marche inverse leur réussit.

A peine les cendres dont la persécution avait couvert la place de Grève et le parvis Notre Dame étaient-elles dispersées, que de nouveaux coups furent portés. Messire Antoine Du Blet, cet homme excellent, ce négociateur» de Lyon, succomba sous les poursuites des ennemis de la vérité, avec un autre disciple, François Moulin, sans que nous connaissions les détails de leur mort [47]. On alla plus loin encore; on visa plus haut; il était une tête illustre qu'on ne pouvait atteindre elle-même, mais qu'on pouvait frapper dans ceux qui lui étaient chers. C'était la duchesse d'Alençon.

Michel d'Arande, chapelain de la sœur du roi, pour lequel Marguerite avait congédié tous ses autres prédicateurs, et qui prêchait devant elle le pur Évangile, devint le 402

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle but des attaques des persécuteurs, et fut menacé de la prison et de la mort [48].

Presque en même temps, Antoine Papillon, auquel la princesse avait procuré la charge de premier maître des requêtes du Dauphin, mou rut subitement, et le bruit universel, même parmi les adversaires, fut qu'il avait été empoisonné [49]. Ainsi la persécution s'étendait dans le royaume et s'approchait toujours plus de Marguerite.

Après que les forces de la Réforme, concentrées à Meaux, à Lyon et à Bâle, avaient été dissipées, on faisait tomber l'un après l'autre ces combattants isolés, qui çà et là tenaient pour elle. Encore quelques efforts, et le sol de la France sera net d'hérésie.

Les manœuvres sourdes, les pratiques secrètes, succèdent aux clameurs et aux bûchers. On fera la guerre en plein jour; mais on saura aussi la faire dans les ténèbres. Si le fanatisme emploie pour les petits le tribunal et l'échafaud, il aura en réserve pour les grands, le poison et le poignard. Les docteurs d'une société célèbre n'en ont que trop patronniste l'usage; et des rois même sont tombés sous le fer des assassins. Mais si Rome a eu de tous temps des Séides, elle a vu aussi des Vin cent de Paule et des Fénelon. Ces coups portés dans l'ombre et le silence étaient bien propres à répandre partout la terreur. A cette marche perfide et à ces persécutions fanatiques du dedans, se joignaient les funestes défaites du dehors. Un voile lugubre était sur tout le royaume. Il n'y avait pas de familles, surtout dans la noblesse, dont les larmes ne coulassent sur un père, un époux, un fils laissé aux champs d'Italie [50], ou dont le cœur ne tremblât pour la liberté ou pour la vie même de l'un des siens. Les grands revers qui venaient d'accabler la nation y répandaient un levain de haine contre les hérétiques.

Le peuple, le parlement, l'Église, le trône même, se donnaient la main. N'était-ce pas assez pour la duchesse d'Alençon que la défaite de Pavie eût fait périr son mari et jeté en prison son frère? Fallait-il voir le flambeau évangélique, à la douce lumière duquel elle s'était tant réjouie, éteint peut-être pour toujours? Les nouvelles d'Espagne augmentaient la douleur générale. Le chagrin et la maladie mettaient en péril les jours du fier François 1er. Si le roi reste prisonnier, s'il meurt, si la régence de sa mère se prolonge pendant de longues années, n'en est-ce pas fait de la Réformation ? « Mais quand tout semble perdu, dit plus tard le jeune écolier de Noyon, Dieu sauve et garde son Église d'une manière merveilleuse '. [51]» L'Église de France qui était comme dans le travail de l'enfantement, devait avoir un temps de relâche avant de nouvelles douleurs; et Dieu se servit pour le lui donner d'une faible femme, qui ne se prononça jamais complétement en faveur de la Réformation.

Elle pensait plus alors à sauver le roi et le royaume, qu'à délivrer des chrétiens obscurs qui plaçaient pourtant en elle de grandes espérances Mais sous l'éclat des affaires du monde, Dieu cache souvent les voies mystérieuses par lesquelles il gouverne son peuple. Un noble projet se forma dans l'âme de la duchesse d'Alençon

[52]. Traverser la mer ou les Pyrénées, arracher François 1er à la puissance de Charles-Quint, voilà désormais le but de sa vie. Marguerite de Valois fit connaître 403

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle son dessein, et la France la salua d'un cri de reconnaissance. Son grand esprit, la réputation qu'elle s'était acquise, l'amour qu'elle avait pour son frère et celui que François avait pour elle contrebalançait puissamment aux yeux de Louise et de Duprat son attachement à la nouvelle doctrine. Tous tournaient les yeux vers elle, comme la seule personne capable de tirer le royaume du péril où il se trouvait. Que Marguerite aille donc elle-même en Es pagne, qu'elle parle au puissant empereur à ses ministres, et qu'elle fasse servir ce génie admirable dont la Providence l'a douée, à la délivrance de son frère et de son roi.

Cependant des sentiments bien divers remplissaient les cœurs des nobles et du peuple, en voyant la duchesse d'Alençon se rendre au milieu des conseils ennemis et des farouches soldats du roi catholique.

Chacun admirait le courage et le dévouement de cette jeune femme, mais sans les partager. Les amis de la princesse concevaient pour elle des craintes qui ne faillirent que trop de se réaliser. Mais les chrétiens évangéliques étaient pleins d'espérance. La captivité de François 1er avait fait fondre des rigueurs inouïes sur les amis de la Réforme; son élargissement, pensaient-ils, y mettra fin. Ouvrir au roi les portes de l'Espagne, c'est fermer celles des officialités et des châteaux où l'on jette les serviteurs de la Parole de Dieu. Marguerite se fortifia dans un dessein vers lequel toute son âme se sentait portée par tant de motifs divers : Le haut du ciel ne m'en peut débouter, Le bas enfer ni ses puissances fortes, Car mon Sauveur a les clés de ses portes ' [53]!

Son faible cœur de femme était affermi par la foi qui donne la victoire sur le monde, et sa résolution était irrévocable; on se hâta de tout préparer pour cet important et dangereux voyage. L'archevêque d'Embrun, depuis cardinal de Tournon, et le président de Selves étaient déjà à Madrid pour traiter de la délivrance du roi. Ils furent subordonnés à Marguerite, ainsi que l'évêque de Tarbes, depuis cardinal de Grammont; les pleins pouvoirs furent remis à la princesse seule. En même temps Montmorency, si hostile plus tard à la Réforme, fut envoyé en toute' hâte en Espagne, afin d'obtenir un sauf-conduit pour la sœur du roi [54]. L'empereur faisait des difficultés; il disait que c'était à ses ministres seuls à arranger cette affaire. Une heure de conférence, s'écria Selves, entre Votre Majesté, le roi mon maître et madame d'Alençon, avancerait plus le traité qu'un mois de discussion entre jurisconsultes [55]. » Marguerite, impatiente d'arriver, vu la maladie du roi, partit sans sauf-conduit, avec une suite imposante [56]. Elle quitta la "cour et traversa Lyon, se rendant vers la Méditerranée; mais, comme elle était en chemin, Montmorency revint, apportant les lettres de Charles qui assuraient la liberté de la princesse durant trois mois seulement.

Elle arriva à Aigues-Mortes [57], et ce fut dans ce port que la sœur de François 1er monta sur le navire préparé pour elle. Conduite de Dieu en Espagne, plutôt pour 404

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle délivrer des chrétiens humbles et op primés, que pour sortir de la captivité le puissant roi de France, Marguerite se confia aux flots de cette même mer, qui avait porté son frère captif après, la bataille désastreuse de Pavie.

________________________________________

FOOTNOTES

[1] Statura fuir mediocri, colore subpallido et nigricante, oculis ad mortem usque limpidis, quique ingenii sagacitatem testarentur. (Bezae, Vita Calvini.)

[2] Cultu corporis neque culto neque sordido sed qui sirjgu larem modestiam deceret. (Ibid.)

[3] Primo quidem quum supcrstitionibus Papatus magis per tinaciter addictus essem. (Calv. Praef. ad Psalm.)

[4] Ego qui natura timido, molli et pusillo animo me esse fateor. (Ibid.)

[5] Summam in moribus affectabat gravitatem et paucorum hominum consuetudine utebatur. (Fl. Raemundi Hist. Haeres. VII, 10.)

[6] Severus omnium in suis sodalibus censor. (Bczae, Vita Calv.)

[7] Annales de l'Égl. de Noyon, par Levasseur, chanoine, ' p. 1158.

[8] Exculto ipsius ingenio quod ei jam tum erat acerrinmm, ita profecit ut caeteris sodalibus in grammatices currioulo re lictis, ad dialecticos et aliarum quas vocant artium studium promoveretur. (Beza.)

[9] Levasseur, docteur de la Sorbonne, Annales de 1 église cathédrale de Noyon, p.

n51. Drelincourt, Défense de Cal vin, p.

[10] Erat is Gerardus non parvi judicii et consilii homo, ideo que nobilibus ejus regionis plerisque carus. (Beza.)

[11] Dans la place où est bastie maintenant la maison du

[12] Cerf. (Desmay, docteur de la Sorbonne. Vie de Jean Calvin, hérésiarque, p. 3o.

Levasseur, Ann. de Noyon, p. 1

[13] Les calomnies et les contes extravagants sur la personne de Calvin ont commencé de bonne heure. J. Levasseur, plus tard doyen des chanoines de Noyon, rapporte que quand la mère de Calvin le mit au monde, « avant la sortie de l'enfant, il sortit une quantité de grosses mouches, présage non dou tcux qu'il devait être un jour un médisant et un calomnia teur. » (Annales de la cathédrale de Noyon, p. n57.) Ces sottises et toutes celles du même genre qu'on a inventées contre le réformateur, se réfutent d'elles-mêmes, sans que nous nous donnions la peine de le faire. De nos 405

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle jours, ceux des docteurs romains qui n'ont pas honte d'employer l'arme de la calomnie, font un choix parmi ces contes bas et ridicules, n'osant les rapporter tous; mais ils ont tous la même valeur.

[14] Domi vestrae puer educatus, iisdem tecmn studiis ini tiatus, primam vitae et lilterarum disciplinam faniiliae vestrae nobilissimae acceptam rcfero. (Calv. Praef.

in Senecam ad Clau dium.)

[15] Desmay, Remarques, p. 31. Drelincourt. Défense, p. 158.

[16] Ego qui natura subrusticus. (Praef. ad Psalm.)

[17] Umbrâm et otium semper amavi.. latebras caplare. (Ibid.)

[18] « Le bruit est que son grand-père était tonnelier. » (Dre lincourt, p. 36.

Levasseur, Ann.de Noyon, p. n51.)

[19] Henry, Das Leben Calvins, p. 29.

[20] Calvin's Leben von Fischer. Leipzig, 1794. L'auteur ne cite pas l'autorité sur laquelle ce fait repose.

[21] Destinarat autem eum pater ab initio theologiae studiis, quod in illa etiam tenera aetate mirum in modum religiosus esset. ( Bezae Vita Calv.)

[22] Levasseur, Ann. de Noyon, p. Il 5g et 1173.

[23] Vie de Cnlvin, par Desmay, p. 3 1 . Levasseur, p. n58.

[24] C'est ce que le prêtre et vicaire général Desmay (Jean Calvin, hérésiarque, p.

32) et le chanoine Levasseur (Ann. de IV.oyon, p. 1160) déclarent avoir trouvé dans les registres du chapitre de Noyon. Ces auteurs romains réfutent ainsi les in ventions ou les hévues de Richelieu et d'autres auteurs. Voy. la préface.

[25] M. A. Arnauld, grand- père de la mère Angélique et de tous les Arnauld de Port-Royal, était protestant; voir Port Royal par M. Sainte-Beuve.

[26] Étudelittér. sur Calvin, par M. A. Sayous, Genève, 183g, art. IV. Elle vient d'être suivie d'autres études sur Farel, Viret et Bèze.

[27] II n'y a personne qui ose m'écrire. (Toussaint à Farel,

[28] septembre 15a5. Manuscrit de Neuchâtel.)

[29] Ibid.

[30] Ibid., ai juillet 1525.

[31] Sane venit annus septuagesimus, et tempus appétit ut tandem vindicemur in libertatem spiritus et conscientiae. (Toussaint à Farel, 21 juillet 15a5.) 406

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle

[32] Sed novit Dominus quos elegerit. (Ibid.)

[33] « Si nos magistrum in terris habere deceat » ajoute-t-il. (Tossanus Farello.

Manuscrit de Neuchâtel.')

[34] Vereor ne aliquid monstri alat. (Tossamis Farello, 27 septembre 15a5.)

[35] Audio etiam equitem periclitari, simul et omnes qui illic Christi gloriae favcnt.

(Ibid., 27 décembre 1525.)

[36] Fratres qui in collegio Cardinalis Monachi sunt te salu tant. (Tossanus Farello, Manuscrit de Neùchâtel.)

[37] Régnante hic tyrannide commissariorum et theologorum. (Ibid.)

[38] Patrem nostrum, cujus nos opus sumus in Domino. (Ibid.) Cette lettre est sans date, mais paraît écrite peu après la délivrance de Toussaint, et montre les pensées qui l'occu paient à cette époque.

[39] Faber impar est oneri evangelico ferendo. (Tossanus Fa i-ell0.)

[40] Per Rufum magna operabitur Dominns. (Ibid.)

[41] Fidelissinii fratris officio functum. (Ibid.)

[42] Commendo me véstris precibus, ne succumbam in hac « îilitia. (Ibid.)

[43] Me periclitari de vita. (Ibid.)

[44] OfferebanUir hic mihi conditiones amplissimae. (Ibid.)

[45] Malo esurire et abjectus esse in domo Domini.. (Ibid.)

[46] Haec, haec gloria mea quod habeor haereticus ab his quo rum vitam et doctrinam video pugnare cum Christo. (Tossa nus Farell0.)

[47] Periit Franciscus Molinus ac Dubletus. (Erasm. Epp., p. 1109.) Érasme, dans cette lettre adressée à François 1er en juillet 15i6, nomme tous ceux qui pendant la captivité du prince sont devenus les victimes des fanatiques de Rome.

[48] Perichtants est Michael Arantius. (Ibid.)

[49] « Periit Papilio non sine gravi suspicione veneni, » dit Érasme. (Ibid.)

[50] Gaillard. Histoire de François 1er, tom. II, p. a55. 43.

[51] Nam habet Deus modum, quo electos suos mirabiliter custodiat, ubi omnia perdita videntur. (Calvinus in Ep. ad Rom. XI, 2.)

[52] Bénéficic) illustrissime Ducis Alançoniae. (Toussaint à FareJ.J

407

Histoire de la Réformation du Seizième Siècle

[53] Marguerites de la Marguerite des princesses, 1. 1, p. ia5

[54] Mémoires de Du Bellay, p. 124.

[55] Histoire de France, par Garnier, tom. XXI V.

[56] Pour tas ter au vif la voulunté de l'esleu empereur madame Marguerite, duchesse d'Alençon, très-DOtablement accompaignée de plusieurs ambassadeurs (Les gestes de François de Valois, par E. Dolet, 1540.)

[57] Jam in itinere erat Margarita, Francisci soror... e fos sis Marianis solvens, Barcinonem primum, deinde Csesar-Au gustam appulerat. ( Belcarius, Rerum Gallic. Comment, p. 565.)

FIN DU TROISIÈME VOLUME.

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