La Hérisson by Bernard Amschler - HTML preview

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Chapitre 26

Une Croix et une Rose

 

  

Béatrice se frotta les yeux. Elle était dans l’obscurité la plus complète et avait quelques peines à retrouver ses esprits. En tâtonnant autour d’elle elle chercha la présence de Mathias, mais ne rencontra qu’un sol rugueux. Le constat de cette absence inhabituelle la fit se redresser et la réveilla complètement. Elle étendit la main et fouilla avec d’avantage d’attention. Il s’agissait d’un sol inégal, de terre et de pierres humides. L’odeur aussi était inhabituelle, une odeur de renfermé ou de moisissure, comme dans une cave ou un cachot. Elle se releva d’un bond. De mauvais souvenirs venaient de refaire surface.  Elle tendit les deux bras à la recherche d’une paroi. Ce qu’elle rencontra transpirait de grosses goûtes d’eau et semblait taillée dans la pierre brute d’une grotte.  Du pied, elle heurta un objet volumineux qui sonnait creux, elle se baissa et tendit la main tâtonna pour essayer d’identifier l’objet.  Il s’agissait d’une longue caisse pas très large ni très profonde dont le couvercle se trouvait posé à côté. Elle comprit et de frayeur fit un bond en arrière. Pas de doute il s’agissait d’un cercueil, elle se trouvait dans un caveau. De frayeur une sueur froide se mit à perler sur son front. Ce cercueil contenait-il un cadavre ?  Elle imagina un squelette se redressant lentement et la saisissant de ses mains décharnées.  Elle avait l’impression qu’elle allait mourir d’épouvante ou tout au moins s’évanouir. Elle resta figée, n’osant plus faire le moindre mouvement, appuyée contre la paroi, tremblant de tous ses membres. Non, non il fallait qu’elle retrouve son calme. Elle essaya de se raisonner.  Non elle ne pouvait pas rester là comme ça appuyée contre cette paroi humide et froide, elle se fit violence et entreprit de bouger très lentement prudemment, tendit la main devantelle.  Rien, pas un bruit pas le moindre mouvement, rien.  Elle prit une profonde respiration et plia les genoux et lentement se baissa puis sans geste brusque tendit la main vers la caisse.  Elle l’effleura et comme rien ne se produisait elle finit par y glisser la main. La longue caisse était vide, elle s’aventura à une exploration plus poussée. Au fond elle trouva un matelas de paille tassée, comme pour rendre le dernier repos plus confortable. Non ce n’était pas possible, ce cercueil ne pouvait pas lui être destiné. C’était pourtant là qu’elle était allongée à son réveil. - Oh quelle horreur ! Non ! Oh mon Dieu venez moi en aide, je ne veux pas être morte, non je ne veux pas non plus mourir !  Que lui était-il arrivé ? Elle ne se souvenait plus de rien. Elle tendit l’oreille, rien, que ce silence de mort. Non ! Non elle voulait vivre, il fallait entreprendre quelque chose, elle étendit les bras pour retrouver la paroi et se mit à la longer. Elle chercherait et trouverait une issue.  Mais que c’était-il donc passé pour qu’elle se retrouve dans cette tombe ?  Il lui fallut un grand effort de concentration pour enfin se souvenir qu’avec Mathias et les enfants ils étaient à Calw. Oui, oui c’était bien ça à Calw, mais que c’était-il passé ?

Oui à présent, bribes par bribes, cela lui revenait.  L’incendie, puis en arrivant à l’hospice une vieille femme qui semblait les attendre, car à peine étaient-ils arrivés, qu’elle leur distribua à chacun une fonction : balayage, nettoyage, rangement, apporter du bois de chauffage, préparer les lits dans des chambres qui avaient l’air de cellules de couvent. Lorsque la besogne fut accomplie elle leur servit une bonne bolée de soupe, puis du pain et du fromage. Après le repas ils restèrent un moment, comme ça, à bavarder entre eux, le dos appuyé bien au chaud contre le poêle de faïence. Ils se sentaient enfin bien, détendu. L'hôtesse, souriante, s’était éclipsée un instant en cuisine, lorsqu’elle revint elle portait un cruchon plein d’une infusion au goût agréable. Béatrice, malgré son expérience, ne parvenait pas à en identifier les composants, pas plus que Mathias d’ailleurs. Ils en discutaient, et chacun croyait y reconnaître quelque chose.  Mais après cela, que c’était-il passé ? Béatrice, malgré tous ses efforts, était incapable de se souvenir. C’était un grand vide. Dans ces ténèbres tous ses sens étaient en alerte. Elle se mit à avancer à tous petits pas, la main gauche effleurant la paroi, le bras droit tendu devant elle. Avant chaque pas, du pied elle explorait soigneusement le sol. Si elle devait s’éteindre lentement dans ce trou elle aurait voulu au moins savoir ce qu’était advenu de Mathias et des enfants, les serrer une fois encore sur son cœur et leur faire ses dernières recommandations. Oui elle aurait voulu leur dire…Tout en réfléchissant elle avait repris sa lente progression. Il lui semblait pourtant que dans la direction dans laquelle elle avançait il faisait moins sombre. A présent elle touchait des deux mains la paroi, il s’agissait donc à présent d’un boyau qui se rétrécissait. Elle retrouva une étincelle d’espoir, sans doute allait-elle trouver au bout de ce couloir une sortie. La progression était pénible, mais après encore quelques pas l’étroit boyau formait un coude et c’est de là que venait cette faible clarté.  L’odeur ! Oui l’odeur était un peu différente aussi, mais quelle était cette odeur. Elle cherchait à se souvenir. Puis ce fut un léger bruit, comme un animal, qui se défile à l’approche d’un humain.  Elle s’arrêta pour tendre l’oreille. Et si elle se trouvait dans la tanière d’une bête sauvage. Elle palpa sa jupe. Non son couteau n’y était pas. Elle se souvint qu’elle avait changé de vêtements et n’avait pas eu le temps de récupérer son arme. Elle se colla contre la paroi et avança avec encore d’avantage de précautions, tous les sens en alertes.  A chaque pas la clarté semblait augmentée.  Allait-elle enfin découvrir une ouverture pour s’échapper ?  Le passage formait un nouveau coude, et là une lumière vacillante se reflétait sur les pierres brillantes d’humidité. Elle n’hésita plus et avança résolument vers cette lumière, vers l’espoir. Au de-là du coude la cavité s’élargissait de nouveau. Une toute petite flamme, tremblante, hésitante, semblant vouloir mourir à tout instant, provenait d’une petite lampe à huile posée dans une niche creusée dans la paroi. Béatrice s’en approcha évitant de provoquer un mouvement d’air qui aurait pu l’éteindre. En s’approchant elle constata que ce qu’elle avait pris pour une grosse pierre à côté de la lampe était en fait un crâne humain. Il y avait aussi un sablier qui mesurait grain par grain le temps qui passe. Elle l’examina avec attention. Le petit tas de sable dans la partie du bas était insignifiant par rapport à celui du haut. Le sablier venait donc d’être retourné.  Maintenant elle avait la certitude que là tout prêt, tapi dans l’ombre quelqu’un surveillait chacun de ses gestes. La petite flamme continuait à osciller à chacun de ses mouvements, elle la souleva avec mille précautions. En la soulevant elle fit tomber à terre un rouleau de parchemin. Elle le déroula, mais dans cette obscurité elle avait de la peine à déchiffrer l’écriture, elle l’approcha tout près de la petite flamme et lut : Gardez-vous de donner aux chiens les choses sacrées, ne donnez pas les perles aux cochons, de peur qu’ils ne se retournent contre vous et vous dévorent. Que venait faire là cette phrase de l’Évangile ? Quel secret fallait-il garder ?  Elle avait approché le parchemin de la petite flamme pour y chercher un indice. A cette faible source de chaleur une écriture brunâtre apparue au bas du parchemin. Quelques lettres à peine. Elle promena le parchemin au-dessus de la flamme et lentement, mot après mot, lignes après ligne un texte écrit à l’encre sympathique se révéla.  Toute excitée, elle lue : « Ma chère fille, ma chère Béatrice, te voici à la croisée des chemins, il est temps que cela s’accomplisse, que des ténèbres naisse la lumière, mais auparavant réfléchis bien : Es-tu prête à remettre en cause tout ce que tu croyais savoir jusque-là ? Oui ?  Alors suis ce chemin qui te mènera à la lumière ». Béatrice venait de comprendre toutes ces épreuves à surmontées au long de ce pénible voyage jusqu’à Calw n’avaient pas été inutile.  La souffrance physique, le dénuement, l’humiliation, et maintenant qu’elle avait atteint le fond, la confrontation avec les ténèbres de la mort prenait un sens. Elle devait du fond du puits tendre vers la Lumière. Elle comprit, elle n’était ni dans une prison ni dans une tombe, mais dans un de ces lieux de culte ou plus probablement d’initiation, comme ceux que l’on pratiquait dans les mystères antiques d’Isis ou de Déméter.  C’était donc çà que son père tenait à lui faire connaître.  Elle relut et relut ces quelques lignes qu’il lui adressait.  Elle reconnaissait l’écriture fine et soigneusement tracée de ce message venu d’outretombe. Elle le serra sur son cœur, y déposa ses lèvres et y laissa coulées quelques larmes de reconnaissance. Oui elle venait de comprendre que tout avait un sens. 

Pour être admis dans un lieu d’initiation il fallait faire preuve d’une grande humilité. A Bâle, avant de se mettre en route, elle avait fait des emplettes pour qu’en arrivant à Calw ils aient l’air digne de la recommandation de son père. Elle avait confondu Être et Paraître. Après ces réflexions elle fut prise d’une grande excitation, qu’allait-elle découvrir encore ? Ces mystères antiques qu’elle croyait tombés dans les gouffres de l’oubli étaient encore vivants et elle allait y être admise. C’était extraordinaire, elle avait peine à y croire. Son père lui rappelait pourtant une condition préalable, elle devait auparavant se dépouiller de tous à priori. Oui elle irait plus loin en laissant derrière elle toutes ses convictions. Elle ne resterait pas là, figée comme la femme de Loth en statue de sel stérile à jamais. Dans la main elle tenait le parchemin qui lui annonçait qu’elle était à la croisée des chemins. Elle regardait le sablier, les grains s’écoulaient lentement et la bulle de verre du haut était sur le point de se vidée. Qu’allait-il se passer lorsque tous les grains seraient tombés ?

Elle s’engagea résolument dans l’étroit passage qui la mènerait vers la lumière. Soudain elle sentit une présence derrière elle. Elle en eut un frisson. Un jeune homme se tenait là et dit : -  A présent tout est consommé. Béatrice surprise par cette apparition subite, se demandait depuis combien de temps il était là, tapi dans l’obscurité, à l’observer. Elle en était troublée et au lieu de prêter attention à ce qu’il faisait et disait, elle essayait de se remémorer ce qu’elle avait pu faire, ce qu’il avait pu surprendre d’elle. Toujours et toujours ce souci de l’impression produite sur les autres ?

Le jeune homme lui prit la main et sans un mot l’entraîna vers la sortie de la grotte. Et là elle assista à la naissance d’un jour nouveau. Juste en face d’elle, jaillissait d’entre deux montagnes le soleil. Elle en fut éblouie et dut se protéger les yeux de son éclat.

- Madame, telle Corée vous avez séjourné dans le ventre de la terre pour mûrir, le moment est venu pour vous de naître à la lumière. Vous avez comme la chenille rampante procédé à votre métamorphose et allez pouvoir déployer vos ailes de papillon pour vous élever dans d’autres sphères. Vous avez abandonné l’instinct animal qui jusqu’à présent vous servait de guide, à partir de maintenant, libre de toutes entraves vous pourrez vous fondre dans l’harmonie universelle. Mais auparavant vous devrez encore vous soumettre à quelques opérations alchimiques. Pour transformer le plomb, métal lourd qui tire vers le bas, en or, métal précieux, éclat de lumière, reflet du soleil, symbole de l’esprit supérieur. Là sous terre vous avez appris que

pour se transformer il faut avoir le courage d’entreprendre, de se remettre en question et de ne pas redouter le changement. Suivez-moi, je vais vous servir de guide. Vous avez été ébloui par la lumière du soleil, en effet la lumière peut effrayer ceux qui redoutent de se voir tel qu’ils sont.  Pour ceux-là l’ignorance est plus confortable que la connaissance. Le soleil levant annonce un jour nouveau, une nouvelle aventure, qu’il faudra aborder avec des yeux nouveaux.

Guidée par le jeune homme ils s’engagèrent sur un sentier à travers une forêt qui s’éveillait. Les arbres étaient revêtus d’un feuillage clair, reluisant de fraîcheur et doré par les rayons du soleil renaissant. Les oiseaux gazouillaient et partout on pouvait voir la vie sous ses diverses formes Oui c’était bien l’annonce d’une vie nouvelle.  Béatrice en avait le cœur soulevé d’allégresse. Elle avait envie de le crier, de chanter ce printemps, cette chaleur renaissante qui dissout les pensées tristes de l’hiver.

 Elle fut conduite à un bassin circulaire rempli d’une eau cristalline. Deux jeunes filles aux cheveux blonds tressés en couronne entremêlés de fleurs printanières et revêtues de robe blanches les attendaient.

- Pour vous purifier de tout ce qui reste de cette vie passée je vais vous confier aux bons soins de ces deux charmantes personnes.

Puis le jeune homme s’éloigna.

Les jeunes filles la dévêtirent entièrement. Béatrice s’étonna de ne ressentir aucun malaise, aucune pudeur devant celles qui s’affairaient autour d’elle tout en lui souriant.  Débarrassée de ses vêtements pesants, bien que frissonnante, elle se sentait légère comme le papillon qui s’échappe de sa chrysalide. Elle fut invitée à se plonger dans l’eau lustrale du bassin. A peine y eut-elle trempé le talon qu’elle en eut la chair de poule. Les filles l’encourageaient en riant. Elle serra les dents, enjamba la margelle et se laissa glisser dans l’eau glaciale. L’une des jeunes filles lui prit gentiment la tête entre ses mains et la plongea dans l’eau. Béatrice n’eut pas le temps de protester, ni même de fermer les yeux. Comme dans le liquide amniotique d’avant sa naissance elle baignait dans ce liquide régénérateur. Lorsqu’elle rejaillit, elle se secoua et aux lueurs du soleil les milliers de gouttelettes formaient autour d’elle une auréole de perle d’or et d’argent.  Elle frissonna, trembla, claqua même des dents tant elle avait froid. Elle fut séchée, frictionnée, et après avoir été revêtue, comme les jeunes filles, d’une robe blanche, elle fut conduite à une colonne de grès rose d’où jaillissait l’eau du bassin. On lui fit voir une inscription latine, qui en français disait: « Après tous les dommages causés par les dieux au genre humain, le Prince Hermès résolu de lui venir en aide. Par le secours de son art, je suis devenu remède salubre ; je coule ici. Boive qui peut de mes eaux ; s’en lave qui le veut ; les trouble qui l’ose.

Buvez et vivez. »

- Oui je vois il doit s’agir d’une eau qui guérit de certains maux.

- Qui purifie le corps et l’Âme.

Son guide était revenu. Il prit la main de Béatrice et lui expliqua :

- Vous venez d’être purifié par l’eau d’Hermès, pour vous redonner la virginité de l’enfant qui vient de naître car ce n’est que pure, indemne de toute souillure, que vous pourrez accéder à l’enseignement du messager des dieux.  Dans la Mythologie grecque, Hermès nous transmet la connaissance des choses ordinairement cachées aux hommes. Pour poursuivre son enseignement nous allons suivre ce chemin et monter jusqu’au sommet de cette montagne.

La montée était rude, mais son guide, visiblement habitué aux pistes de montagnes, n’en semblait pas embarrassé et marchait d’un bon pas. Béatrice par contre soufflait et se demandait sans cesse s’il n’allait pas enfin lui accorder une petite pose. Ils dépassèrent la limite des versants boisés pour se retrouver dans un espace plus aride balayé par le vent, par-ci par-là quelques arbres rabougris, torturés par le vent et les intempéries, pour le reste, des rochers glissant et un peu de bruyère. A présent ainsi exposée Béatrice avait froid, ses pieds dans de fine chaussure étaient trempés par la rosée.

- Nous arrivons !

Et le jeune homme lui montra, au sommet du ballon, deux grandes pierres dressées vers le ciel. Il la conduisit entre ces deux colonnes et lui commanda de rester là et de méditer sur ce qu’elle voyait. Son guide avait disparu, il avait repris le sentier par lequel ils étaient montés. L’air était pur et elle voyait très loin, mais de nouveau elle était toute seule, perdue dans cette immensité qui s’étendait à ses pieds. A perte de vue des montagnes aux sommets arrondis, certains chauves d’autres couverts d’épaisses forêts entrecoupées de vallées profondes, d’où s’élevaient des nuages de brume. Différentes nuances de verts ondulaient comme une immense prairie. Les variations de couleurs et de formes créaient une harmonie reposante.  Après son séjour dans les profondeurs de la terre cette immensité écrasait Béatrice. Elle s’y diluait, comme une tache à l’horizon finit par ne plus se voir en s’éloignant. Qu’était-elle dans cet infini ? Elle était insignifiante à peine plus importante que cette minuscule fourmi qui montait le long de sa jambe, oui, insignifiante. Elle eut un petit rire et se dit : Et dire que je me croyais importante. Où était Mathias ? Et les enfants ? Savaient-ils ce qui lui arrivait ?  Elle alla s’accroupir au pied de l’une de ces grandes pierres qui semblaient défier le vent et le temps.  Au bout d’un moment, lasse d’attendre, elle se mit à examiner la pierre. En y regardant de plus près elle y découvrit des signes tracés avec soins, mais presque effacées par les lichens blancs ou jaunes qui les dévoraient. Elle gratta un peu avec ses ongles, puis s’aida d’un éclat de pierre. Quelque chose qui ressemblait à une écriture primitive se dévoila. Mais si ces signes étaient des lettres, elle ne les connaissait pas. Elle essaya de se souvenir, mais non, elle n’avait jamais rien vu de tel. Les pierres avaient été taillées de manière très grossière, seule une partie avait été lissée, là où courait cette écriture. Rien ne laissait pourtant en deviner ni le sens ni l’objet. Elle alla examiner l’autre pierre. Celle-ci présentait exactement les mêmes caractéristiques, si non que l’une était en grès rose et l’autre en granit gris. Elle examina les premiers signes qui semblaient former un mot et les compara aux premiers de l’autre pierre. C’était la même écriture mais le texte semblait différent. Elle se souvint que son guide lui avait parlé d’Hermès. Oui au cours de son enfance, elle avait entendu son père parler d’Hermès trismégiste le maître des sciences cachées. Mais qui était-ce et qu’avait-il fait ? Elle ne s’en souvenait pas. Son guide ne lui avait-il pas parlé du messager des dieux, s’agissait-il du même Hermès ? Justement voilà son ange gardien qui revenait. Il s’était opéré un changement chez le jeune homme, d’amusé il semblait soucieux à présent. Il resta un instant à la regarder de loin visiblement indécis.

- Pardonnez-moi monsieur, mais ces deux pierres dressées m’intriguent, ontelles une signification particulière ?

 

- Oui ces deux colonnes ont évidemment une raison d’être là.  Tout à l’heure je vous ai placé là, entre ces deux colonnes, l’une représente la Sagesse et l’autre la Connaissance. Selon la tradition, sur cette colonne Hermès aurait pris soin de transcrire toutes les connaissances transmises aux hommes par les géants.  Ces géants nés des amours des dieux pour les filles des hommes, avaient hérité de toute la science de leurs divins pères et l’auraient enseignée à leurs mères humaines. Les dieux jaloux de leur savoir, furieux détruisirent les géants dans un terrible déluge. Hermès, l’ami des humains, bien avisé, connaissant leurs faiblesses, avait gravé sur l’autre colonne des préceptes de sagesses.

- Oui mais cette écriture nous ne savons pas la lire 

- Non, car si ce texte était parfaitement clair il n’y en aurait qu’une seule interprétation, elle serait rigide et deviendrait un dogme.  Mais heureusement Hermès nous a donné aussi cette extraordinaire faculté de l’imagination et surtout de l’intuition. Nous voulons toujours tout comprendre avec notre raison alors que ce message se lit avec le cœur et prend un autre sens pour chacun d’entre nous, en fonction de ce qu’il y cherche.

Mais vous grelottez ! C’est vrai qu’ici il ne fait pas très chaud, venez redescendons.

Béatrice avait la chair de poule et le nez commençait à lui couler, elle y passa le revers de la main. Le bout de ses seins durcis par le froid pointaient contre le tissu. Le jeune homme toujours pensif s’en était pourtant aperçut et ne pouvait en détacher les yeux. Béatrice très mal à l’aise avait croisé ses bras tout en grelottant. Elle aurait voulu que Mathias fût là pour la serrer dans ses bras et lui donner un peu de sa chaleur et de son énergie.  Le jeune homme, écarlate, avait fini par baisser les yeux.

- Entre ces deux colonnes nous devons être capables d’utiliser, pour le bien de tous, toute la science qu’il nous est possible d’acquérir. Dans l’enseignement d’Hermès il y a surtout que toute la création obéie à des lois immuables indispensables pour une harmonie universelle.

- Mais de quelles façons ces lois se manifestent-elles ?

- Hem ! Les saisons se succèdent, l’eau coule vers la mer, le jour succède à la nuit. Pour perpétuer la Vie l’homme est attiré vers la femme, le désir, l’attirance, mais aussi la répulsion dynamise et renouvelle sans cesse toute les formes de vie. Venez nous allons descendre par cette faille entre les rochers, ne lâchez pas ma main, tenez-vous bien, c’est vraiment glissant.

- Vous connaissez évidemment les quatre éléments qui sont constitutif de tout ce qui est vivant, ces éléments interviennent diversement, mais selon ces Lois.  

Pour descendre, ils avaient pris un autre chemin qu’à l’allée. Le sol rocailleux était glissant, Le jeune homme lui tendit la main pour l’aider. Sa main était chaude et ferme, elle la serra et en ressenti de l’émotion et du coup elle comprit de quelles façons s’exerce les lois de la Nature.

Les parois de cette cheminée se resserraient, Béatrice voulut s’effacer pour le laisser aller de l’avant, mais il la saisit par les épaules et la poussa en avant.

- N’ayez pas peur, avancez en vous tenant aux parois.

Arrivé presque au bout de cet étroit boyau, soudain des flammes et de la fumée s’engouffrèrent dans cette cheminée naturelle. Béatrice poussa un cri et fit un bon en arrière, bousculant le jeune homme qui se tenait juste derrière elle. Ils tombèrent à terre tous les deux, mais déjà le nuage de fumée se dissipait et les flammes retombèrent lentement. Ce que Béatrice avait pris pour un incendie n’était qu’un vulgaire feu de paille, destiné à l’effrayer.

- Vous voyez madame, cette expérience a eu pour but de vous faire comprendre que nous devons nous méfier de nos passions et les garder sous contrôle.  Au début nos passions nous semblent être d’une douce chaleur, mais deviennent vite un feu dévorant.

Il avait eu un petit sourire en coin, comme s’il se moquait de sa naïveté, mais très vite retrouva son air soucieux. Ils continuèrent leur chemin sans s’adresser la parole et le malaise de Béatrice augmenta au point qu’inquiète elle sentait à présent un danger. Mais ce danger viendrait-il de l’extérieure ou était-il en elle ? Si elle avait connu son chemin elle aurait été tentée de fuir. Mais n’était-ce pas là encore une étape dans sa progression initiatique ? Apprendre à se méfier de soimême plus que des autres. Elle se demandait ce qu’à cet instant faisait Mathias. Était-il à sa recherche ? Où l’avait-on prévenu, à moins qu’il soit lui aussi soumis à ce genre d’épreuve.  Soudain elle fut tirée de ses réflexions par des cris et des aboiements.

- Oh non ! Voilà qu’ils arrivent ! Oh là là ! Ce que je redoutais ! Le duc chasse le cerf ! Il faut nous abriter, car si le cerf est lancé par les chiens il est très dangereux. L’automne dernier, durant le brame, un garde et un paysan ont été tués.

 

Pendant ce temps Mathias était en effet lui aussi aux prises avec des épreuves similaires mais sous d’autres formes, adaptées à sa nature, sa personnalité et sa culture. Lui s’était réveillé dans un cercueil au milieu d’une crypte entre des gisants, éclairés par la faible lumière d’une chandelle.  Un crâne et un sablier était posé sur une tombe dont le couvercle avait été légèrement déplacé. Lorsqu’il ouvrit les yeux il ressentit la même frayeur que Béatrice. Évidemment il passa un moment sans oser bouger, mais finit tout de même par se redresser. Assis à côté d’une tombe, le coude appuyé sur son genou et le menton dans le creux de sa main, il regardait le sable s’écouler lentement tout en méditant sur la fragilité de la vie. A quoi cela servait-il de se rebeller, de vouloir infléchir le cours normal qui menait inexorablement à la mort ? Quand soudain il sentit une main se poser sur son épaule. Il sursauta de frayeur. Un homme revêtu d’une longue tunique noire se tenait derrière lui.

- Êtes-vous prêt ? Car il est l’heure ! le temps qui vous fut imparti est écoulé ! Mathias cru sa dernière heure venue. Il eut une pensée pour Béatrice, essaya de puisé du courage dans le souvenir de son visage.  Pour se redresser il voulut s’appuyer sur le couvercle de la tombe qui grinça, il eut un mouvement d’effroi et faillit tomber près du crâne qui semblait rire de sa maladresse. L’homme en noir lui tendit la main, mais Mathias d’un geste refusa son aide.

- Que me voulez-vous ? Qu’ai-je fait pour mériter de mourir déjà ? L’homme se redressa, croisa ses bras sur sa poitrine et contempla calmement le visage livide, baigné de sueur de Mathias. Après un long silence et d’une voix grave :

- Vous méritez de vous éveiller, d’échapper à votre torpeur et de devenir lucide, je vais vous conduire vers la lumière. Mais d’abord vous allez vous purifier pour vous défaire de tous vos préjugés et superstitions. La voix profonde de cet étrange personnage et ce reproche sous-entendu n’avait rien de rassurant. Que voulait-il dire ? Supposait-il que Mathias se berçait d’illusions ou de rêves ? Qu’il n’avait aucune perception de la réalité ? Mathias voulut protester, mais l’homme par un signe de la main lui fit signe de se taire et de le suivre. Mathias hésitant, tremblant, se leva, avec le sentiment de confier son destin à cet inconnu.

Comme Béatrice, il fut conduit au bassin ou il se purifia dans l’eau lustrale d’Hermès. Ensuite il fut exposé aux vents des montagnes où à son tour il grelotta, l’épreuve du feu il l’avait connue la veille. Après ces purifications il fut conduit dans une chapelle, où il resta seul.  Cette modeste chapelle aux murs blanchi à la chaux sans aucun mobilier mais bien éclairée par de grandes fenêtres était rassurante et par rapport à la crypte il s’y sentait presque à l’aise. Sur l’autel, la petite flamme dodelinant d’une grosse bougie et un bouquet de fleurs printanières créaient une atmosphère de sérénité. Derrière l’autel, une fresque représentait Saint Martin partageant son manteau avec un pauvre homme presque nu.

 Mathias, s’en approcha et gravit les trois marches qui séparaient la nef du chœur.  A droite de l’autel, cette porte devait mener à la sacristie, Mathias souffrait de courbatures, sans doute encore de la veille. En s'approchant de la porte il distingua des voix. Il s’agissait de deux voix d’hommes. Curieux il tendit l’oreille. Deux hommes semblaient se disputer, Mathias ne comprenait pas tout ce qui se disait, mais au ton il devinait que ce n'était pas un dialogue amical. Quelqu'un s'était approché de la porte et se mit à la secouer, à tambouriner contre, a essayer de la forcer et à tempêter. Visiblement furieux que cette porte soit verrouillée. Il continua à s'exprimer avec colère

- Oui c’est tout à fait ça !  Il faut faire partir ce vieux fou. Le moment est tout à fait opportun. Vous savez que notre duc est actuellement à Hirsau il faut aller lui présenter une supplique et lui demander qu’il le déplace. Le vieux fou voudrait que le clergé se mêle de tout y compris de l’administration de la ville et ainsi il pourrait puiser sans limite dans nos poches et distribuer notre argent. Il ne faut pas rater l’occasion. Vous savez qu’au contraire le duc voudrait mettre le clergé et les biens de l’Église sous tutelle, il ne faut vraiment pas perdre notre temps en discutions stériles, il faut agir maintenant.

L'autre essayait de le calmer, de le raisonner, mais en vain. Ils s'éloignèrent mais continuèrent à se disputer.

- Et d’ailleurs c’est quoi encore que ces cérémonies et ces assemblées secrètes qu’il organise. Vous avez vu il y en a de nouveau qui viennent de partout.

- Mais ces gens dépensent leur argent chez nous puis repartent c’est tout profit pour notre ville, ne pensez-vous pas ?

- Foutaise ! Je vous dis qu’avec leurs secrets nous ne savons rien de ces gens.

Que manigancent-t-ils, ne préparent-ils pas un sale coup avec les papistes ? Ceux-là n'ont pas supporté d'avoir perdu toute autorité. Je vous le dis, ces gens sont comme lui, DANGEREUX ! Pourquoi font-ils tout en secret ?  Et puis zut ! Vous ne voulez pas vous joindre à nous, tant pis pour vous ! Nous irons voir le duc sans vous. Lui nous écoutera.

Une porte claqua et ce fut le silence. Mathias était décontenancé il s'interrogeait, où était-il tombé et de qui parlait cet homme en parlant de cette société qui agissait en secret ? Oui sans doute fallait-il fuir cet endroit. Il fit quelques pas pour se diriger vers la porte, mais avant de franchir le pas il se retourna pour jeter encore un coup d’œil à la fresque de saint Martin. Et celui-là, qu’aurait-il fait ?

Elle était belle cette fresque, il retourna pour l’examiner attentivement. 

L’expression des visages était tr

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