CHAPITRE 26
Tous les trois, finalement unis dans cette épreuve, se présentèrent main dans la main devant la voix.
Elle leur donna l'instruction de porter le casque de réalité 3D qui leur était destiné. Ils devaient se retrouver devant 333 événements de leur vie respective pendant lesquels ils avaient agi égoïstement et faire un choix altruiste. Ces scènes seraient répétées jusqu'à ce que le bon choix soit fait, toutefois ils pouvaient arrêter l'exercice à chaque instant en retirant leur casque et être rejetés dans le monde précédent.
Quatre mains se crispèrent sur celles de leur voisin et trois adolescents se raidirent dès le déclenchement.
Devant chaque paire d'yeux défilaient des images familières mais douloureuses, souvent familiales, parfois amicales. Chaque scène réussie en appelant une autre et chaque scène ratée étant remontrée plus tard à trois cerveaux angoissés et fatigués.
Sur chaque casque un quotient de scènes réussies augmentait petit à petit, néanmoins celui-ci était plus lent à grimper chez Cyrille et pouvait parfois stagner plusieurs minutes.
Elle avait eu envie de laisser tomber déjà 10 fois durant le premier quart d'heure. Heureusement, elle se trouvait entre ses deux amis qui ne lui lâchaient pas les mains.
Après plusieurs heures d'épreuve, Bruno vit le quotient 333/333 s'afficher sur sa visière et la voix prononcer ces mots réconfortant :
" Bruno Châlut, tu es maintenant digne de pénétrer dans le Monde Spirituel, monde le plus élevé de l'univers connu sous le nom d'Omnia, Le Tout. Ce passage s'effectuera à ta prochaine perte de conscience."
Bruno enleva son casque 3D mais, malgré son épuisement, ne lâcha pas la main de Cyrille qui paraissait exténuée.
Elle n'en était qu'à un peu plus de 100/333. Marc-Antoine, lui, était quasiment rendu à 300.
Bruno cherchant du regard un endroit où s'asseoir sans pour autant lâcher sa jeune camarade eût l'idée de demander mentalement cet accessoire à la voix.
Un fauteuil en cuir moelleux apparu pile au bon endroit. Il put ainsi se relaxer tout en suivant les péripéties des autres.
Une demi-heure après un son se fit entendre. Ce fût un Marc-Antoine trempé de sueur, les traits tirés mais heureux qui retira son casque et se laissa tomber dans un fauteuil mentalement commandé par Bruno.
Tout deux se regardèrent à la fois choqués et émus d'être arrivés si loin et aussi de savoir qu'ils pouvaient maintenant compter les uns sur les autres.
Ils avaient toujours le pouvoir de ressentir les émotions de Cyrille qui était sur le point de flancher. Son compteur semblait bloqué à 201.
Les garçons chuchotaient des mots d'encouragement aux oreilles de leur compagne, celle-ci semblait en tirer un peu d'énergie.
202, 203, 204.
Puis elle prononça : "J'en peux plus, j'en peux plus. " Bruno, l'enlaça, Marc-Antoine la fit asseoir.
205, 206, 207.
Des soubresauts agitaient le corps de la jeune-fille, elle sanglotait maintenant. De temps en temps elle criait, elle vociférait.
222, 223, 224.
Bruno la fit boire, Marc-Antoine lui massait les épaules.
255, 256.
Il y avait maintenant plus de 3 heures que tout ça avait commencé.
Encore un : "Je veux partir, je laisse tomber "
De nouveaux des paroles rassurantes des garçons.
301, 302, 303. Cyrille chancelait presque.
" Tu y es presque " répétait en boucle Bruno, la gorge sèche.
321, 322. Elle était au bord de l'épuisement, les phalanges blanches à force de serrer les poings.
Encouragements plus pressants et excités.
329, 330 ... 330 ... 330. Elle était sur le point de s'évanouir.
" Vas y, tiens bon " hurlaient les deux autres, les vêtements trempés de sueur, les jambes flageolantes.
Finalement quand 333 apparu, Cyrille hurla de façon hystérique, lança son casque à travers la pièce, étreingna ses deux amis en sanglotant. Ils rirent et pleurèrent et crièrent jusqu'à ce que, gagnés par l'épuisement, ils s'endorment du sommeil du juste tout trois liés à jamais tels des siamois.