Entretiens / Interviews / Entrevistas by Marie Lebert - HTML preview

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#Rédacteur au Monde diplomatique et responsable du site web

Le site du Monde diplomatique permet l'accès à l'ensemble des articles de larevue depuis 1998, par date, sujet et pays. L'intégralité du mensuel en coursest consultable gratuitement pendant les deux semaines suivant sa parution. Unforum permanent de discussions en ligne lui permet d'échanger avec ses lecteurs.

[Entretien 17/06/1998 // Entretien 26/07/1999]

*Entretien du 17 juin 1998

= Quel est l'historique de votre site web?

Monté dans le cadre d'un projet expérimental avec l'INA (Institut national de l'audiovisuel), début 1995, le site était le premier site d'un journal français.

Depuis il a bien grandi, autour des mêmes services de base: archives et annonce de sommaire.

Quel est l'apport de l'internet dans votre vie professionnelle?

Grâce à internet, le travail journalistique s'enrichit de sources facilesd'accès, aisément disponibles. Le travail éditorial est facilité par l'échangede courriers électroniques; par contre, une charge de travail supplémentaire dueaux messages reçus commence à peser fortement.

*Entretien du 26 juillet 1999

= Quoi de neuf depuis notre premier entretien?

Notre site a bien grandi depuis, autour des mêmes services de base: archives etannonce de sommaire. Des services complémentaires viennent s'y ajouter: basesdocumentaires comprenant des textes de référence (cas du cahier Irak), dossiersd'actualité permettant au journal d'intervenir en dehors de son cadre mensuel,etc.

BLAISE ROSNAY [FR]

[FR] Blaise Rosnay (Paris)

#Webmestre du site du Club des poètes

Fondé il y a quarante ans par Jean-Pierre Rosnay, le père de Blaise Rosnay, leClub des Poètes propose une découverte de la poésie de tous les temps et de tousles pays depuis les origines jusqu'à aujourd'hui.

[Entretien 08/06/1998 // Entretien 16/01/2000 // Entretien 09/11/2000 //

Entretien 03/05/2001]

*Entretien du 8 juin 1998

= Quel est l'historique de votre site web?

Le site du Club des Poètes a été créé en 1996, il s'est enrichi de nombreusesrubriques au cours des années et il est mis à jour deux fois par semaine.

= Quel est l'apport de l'internet dans votre activité?

L'internet nous permet de communiquer rapidement avec les poètes du mondeentier, de nous transmettre des articles et poèmes pour notre revue, ainsi quede garder un contact constant avec les adhérents de notre association. Parailleurs, nous avons organisé des travaux en commun, en particulier dans ledomaine de la traduction.

= Quels sont vos projets?

Nos projets pour notre site sont d'y mettre encore et toujours plus de poésie.Ajouter encore des enregistrements sonores de poésie dite ainsi que des vidéosde spectacles.

*Entretien du 16 janvier 2000

= En quoi consiste exactement votre activité sur l'internet?

Je mets en page des poèmes, je modère modérément le forum des poètes, j'animeune rubrique d'actualité poétique ("Etat d'urgence poésie"), je rédige des notesde lecture sur les sites poétiques de l'internet francophone, et je dialogueavec les internautes curieux de poésie. Le site du Club des Poètes est mis àjour deux fois par semaine au moins.

= Quelles sont vos nouvelles réalisations et vos nouveaux projets?

Nous sommes en train de réaliser une version animée (utilisant la technologie Flash) de la rubrique "La poésie et l'enfant".

Dès que nous aurons un peu plus de moyens, nous nous connecterons par le câbleau Club des Poètes et nous retransmettrons nos spectacles à l'aide d'une webcam.

= Que pensez-vous des débats liés au respect du droit d'auteur sur le web?

La diffusion de la culture doit être facilitée sur l'internet. Les éditeurs etles pouvoirs publics doivent encourager tous les projets réalisés par despassionnés de tel ou tel auteur qui partagent leur passion avec les autres surinternet sans en faire profit.

Exemple: il serait absurde qu'un jeune homme qui aime Le Petit Prince deSaint-Exupéry ne soit pas encouragé à partager son amour et à l'illustrer parquelques extraits de cette oeuvre qui, soit dit en passant, est un beauplaidoyer pour le coeur contre les raisons de l'argent. En résumé, il me sembleque l'internet peut encore devenir un moyen de partage de la culture et de labeauté à condition que la culture et la beauté ne soient pas considérées commedes biens de consommation. C'est la moindre des choses, car, justement, lapoésie et la beauté véhiculent d'autres valeurs morales et spirituelles.

= Comment voyez-vous l'évolution vers un internet multilingue?

Dans la mesure où la culture française, y compris contemporaine, pourra êtrediffusée sans obstacles, la langue française aura la possibilité de restervivante sur le réseau. Ses oeuvres, liées au génie de notre langue, susciterontnécessairement de l'intérêt puisqu'elles sont en prise avec l'évolution actuellede l'esprit humain. Dans la mesure où il y aura une volonté d'utiliserl'internet comme moyen de partage de la connaissance, de la beauté, de laculture, toutes les langues, chacune avec leur génie propre, y auront leurplace. Mais si l'internet, comme cela semble être le cas, abandonne cespromesses pour devenir un lieu unique de transactions commerciales, la seulelangue qui y sera finalement parlée sera une sorte de jargon dénaturant la bellelangue anglaise, je veux dire un anglais amoindri à l'usage des relationsuniquement commerciales.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

D'innombrables rencontres avec des poètes du monde entier que nous avonsdécouverts sur internet et qui sont venus nous rendre visite au Club des Poètes.D'innombrables messages de soutien et d'encouragement.

= Et votre pire souvenir?

Le constat que, faute d'une volonté politique de partage culturel, lesinitiatives les plus belles sont le plus souvent découragées par la logiquemarchande et que l'internet risque de se transformer peu à peu en vitrine desupermarché.

*Entretien du 9 novembre 2000

= Utilisez-vous encore des documents papier?

Le moins possible: en fait nous apprenons les poèmes par coeur et ce que nousaimons le mieux, c'est de transmettre la poésie dans sa tradition orale. Mais envérité l'internet aussi nous paraît un peu vieillot. C'est d'un coeur à l'autre,en passant par les lèvres et l'oreille, que la poésie se propage à la vitesse dela pensée.

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Cela n'a qu'une importance relative. On imprime beaucoup de bêtises sur dupapier et le paysage de l'internet commence aussi à se dégrader sérieusement.Les marchands de papier (lisez "éditeurs") laisseront-ils place au marchandsd'électrons par internet interposé (lisez "producteurs de contenus sur internet"(sic))?

Peu nous importe. La poésie poursuit son voyage pour l'éternité.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Je n'ai aucun sentiment pour les machines. Elles ne sont même pas douces à caresser.

Quelles sont vos suggestions pour une meilleure accessibilité du web aux aveugles et malvoyants?

L'usage de la voix bien sûr. Notre site propose bien sûr de nombreux poèmes ditset chantés à écouter.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Une toile irisée où se reflètent nos désirs insensés.

= Et la société de l'information?

Une société de plus en plus mal fréquentée. Quand donc les humains associésapprendront-ils à converger vers la beauté?

*Entretien du 3 mai 2001

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Dans le cadre des nouveautés, nous avons créé cette année Poésie vive qui nouspermet d'offrir un espace aux internautes-poètes qui nous intéressent.

Cela complète gracieusement Poésie.net dont la vocation est davantage deprésenter un très large panorama des grandes voix de la poésie de tous les payset de tous les temps.

Nous allons créer (il sera en ligne la semaine prochaine, à savoir le 8 mai2001, je pense) "Nouvailes, le site des nouvelles qui vous donnent des ailes",qui offrira tous les jours une bonne nouvelle (une nouvaile!) à ses visiteurs,ce qui les changera des informations télévisées, radiodiffusées, et maintenantinternétisées, qui sont bien faites pour briser le moral des plus résistants descoeurs sensibles.

Nous allons en profiter pour redonner aussi un coup de jeune à "Ulysse,chercheur de connaissances", un beau site de partage de la culture, répertoiredes plus belles ressources culturelles sur l'internet.

Voilà. En d'autres termes, nous travaillons toujours ardemment à donner un peud'âme au monde virtuel aussi bien que réel.

JEAN-PAUL ROUSSET SAINT AUGUSTE [FR]

[FR] Jean-Paul Rousset Saint Auguste (Paris)

#Journaliste spécialisé dans l'histoire des techniques

*Entretien du 28 mai 2001

= Pouvez-vous vous présenter?

J'ai une formation d'historien. Je suis de très près et depuis longtemps ledéveloppement de la micro-informatique. J'exerce plusieurs activités, dontcertaines sont liées aux produits high-tech (PDA, e-books).

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Commercialisation de produits techniques (mon principal employeur distribue desproduits culturels et techniques). Et aussi journalisme.

= En quoi consiste exactement votre activité liée à l'internet?

Usage privé, et usage comme outil professionnel (utilisation intensive del'e-mail, et des ressources documentaires du web ou des newsgroups).

= Comment voyez-vous l'avenir?

J'espère un internet toujours plus ouvert et dense en informations, où leprincipe d'échange et de gratuité prévaut. Ce modèle a de grandes chances deperdurer, sans pour autant être le modèle dominant. Un sub-internet pourraitbien s'instaurer, né des communautés virtuelles très attachées aux principessus-cités.

= Utilisez-vous encore beaucoup le papier?

Oui. Il a encore de longs jours devant lui.

= Quelle est votre opinion sur le livre électronique?

Intéressant, mais la route sera longue: la technologie utilisée ne peut pasautoriser une diffusion de masse aujourd'hui. Parier à long terme sur l'avenirde ces produits ne fait pas courir beaucoup de risque. Mais les produits quienterreront le livre-papier ne sont pas nés (et pas même conçus, juste rêvés).

= Quel est votre avis sur les débats relatifs au respect du droit d'auteur surle web?

Toutes les publications du web ne valent pas forcément des droits d'auteur! Plussérieusement, dès lors qu'une publication est diffusée aussi bien sur le web qued'autres médias, ou bien qu'elle relève de principes comparables à unepublication papier, je ne vois pas de raison de distinguer les deux (un articlecommandé pour publication sur le web doit être soumis aux mêmes règles derémunération qu'une publication papier).

= Comment définissez-vous le cyberespace?

Un lieu d'échange particulièrement vaste.

= Et la société de l'information?

Un mythe.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Dans un newsgroup, la rencontre d'un Japonais qui devait venir en France, et quipréparait son voyage.

Après quelques échanges de messages, j'ai appris qu'ilallait être hébergé chez une de ses connaissances… à 200 mètres de chez moi.

= Et votre pire souvenir?

Ma boîte à e-mails inondée de messages de pubs (argent, voyance, sexe…) aprèsun simple passage sur un forum de discussions… sur le Mac.

BRUNO DE SA MOREIRA [FR]

[FR] Bruno de Sa Moreira (Paris)

#Co-fondateur des éditions 00h00.com, spécialisées dans l'édition numérique Créées par Jean-Pierre Arbon, ancien directeur de Flammarion, et Bruno de SaMoreira, ancien directeur de Flammarion Multimédia, les éditions 00h00.com(prononcer: zéro heure) débutent leur activité le 18 mai 1998. "La création de00h00.com marque la véritable naissance de l'édition en ligne. C'est en effet lapremière fois au monde que la publication sur internet de textes au formatnumérique est envisagée dans le contexte d'un site commercial, et qu'uneentreprise propose aux acteurs traditionnels de l'édition (auteurs et éditeurs)d'ouvrir avec elle sur le réseau une nouvelle fenêtre d'exploitation des droits.Les textes offerts par 00h00.com sont soit des inédits, soit des textes dudomaine public, soit des textes sous copyright dont les droits en ligne ont faitl'objet d'un accord avec leurs ayants-droit." (extrait du site web)

[Entretien 31/07/1998 // Entretien 18/01/2000]

*Entretien du 31 juillet 1998

= Quel est l'historique de votre site web?

Le site a ouvert le 18 mai dernier, la gestation du projet: brainstorming,faisabilité, création de la société et montage financier, développementtechnique du site et informatique éditoriale, mise au point et production destextes et préparation du catalogue à l'ouverture a duré un an.Dans quelle mesure l'internet a-t-il changé votre vie professionnelle?

Radicalement, puisqu'aujourd'hui mon activité professionnelle est 100% basée surinternet. Le changement ne s'est pas fait radicalement, lui, maisprogressivement (audiovisuel, puis multimédia, puis internet).

= Comment voyez-vous l'avenir?

Difficile de répondre, il s'agit du présent, nous faisons un pari, mais cela mesemble un média capable d'une très large popularisation, sans doute grâce à desterminaux plus faciles d'accès que le seul micro-ordinateur.

[NDLR: Les 600 titres du catalogue - inédits ou rééditions électroniquesd'ouvrages publiés par des éditeurs français - sont disponibles sous la formed'un exemplaire numérique et d'un exemplaire papier. Les exemplaires numériquesreprésentent 85% des ventes. Les collections sont très diverses: 2003

(nouvellesécritures), actualité et société, communication et NTIC (nouvelles technologiesde l'information et de la communication), poésie, policiers, science-fiction,etc. Pas de stock, pas de contrainte physique de distribution, mais un liendirect avec le lecteur et entre les lecteurs. Sur le site, lescybernautes/lecteurs peuvent créer leur espace personnel afin d'y rédiger leurscommentaires, recommander des liens vers d'autres sites, participer à desforums, etc. "Internet est un lieu sans passé, où ce que l'on fait ne s'évaluepas par rapport à une tradition, lit-on sur le site. Il y faut inventer denouvelles manières de faire les choses. (…) Le succès de l'édition en ligne nedépendra pas seulement des choix éditoriaux: il dépendra aussi de la capacité àstructurer des approches neuves, fondées sur les lecteurs autant que sur lestextes, sur les lectures autant que sur l'écriture, et à rendre immédiatementperceptible qu'une aventure nouvelle a commencé."]

*Entretien du 18 janvier 2000

= Quoi de neuf depuis notre dernier entretien?

Nous allons développer notre outil d'édition en ligne pour permettre d'étendrenos activités: produire et distribuer nos oeuvres dans plusieurs formats (avecle PDF, systématiser l'offre au format Rocket eBook, au format Palm Pilot, aufutur format Microsoft Reader, etc.), ainsi que développer une offre éditorialeen ligne en plusieurs langues (à commencer par l'anglais). [fin]

[NDLR: Le 15 septembre 2000, 00h00.com est racheté par Gemstar, sociétéaméricaine leader dans le domaine des technologies et systèmes interactifs pourles produits numériques. Gemstar s'était engagé sur le nouveau marché del'édition numérique dès janvier 2000 en acquérant NuvoMedia et Softbook Press,les deux sociétés américaines à l'origine des premiers modèles de livresélectroniques (e-books), respectivement le Rocket eBook et le Softbook Reader.Selon Henry Yuen, président de Gemstar, cité par l'AFP, "les compétenceséditoriales dont dispose 00h00.com et les capacités d'innovation et decréativité dont elle a fait preuve sont les atouts nécessaires pour faire deGemstar un acteur majeur du nouvel âge de l'édition numérique qui s'ouvre enEurope". 00h00 est maintenant un partenaire déterminant dans le développementsur le marché de l'édition française et européenne des nouveaux modèles delivres électroniques, produits et commercialisés par Thomson Multimédia, souslicence de Gemstar.]

PIERRE SCHWEITZER [FR]

[FR] Pierre Schweitzer (Strasbourg)

#Architecte designer, concepteur d'@folio (support de lecture nomade) et de Mot@mot (passerelle vers les bibliothèques numériques)

*Entretien du 21 janvier 2001

= Pouvez-vous décrire @folio?

@folio est un support de lecture nomade. J'hésite à parler de livreélectronique, car le mot "livre" désigne aussi bien le contenu éditorial (quandon dit qu'untel a écrit un livre) que l'objet en papier, génial, qui permet sadiffusion.

La lecture est une activité intime et itinérante par nature. @folio est unbaladeur de textes, simple, léger, autonome, que le lecteur remplit selon sesdésirs à partir du web, pour aller lire n'importe où. Il peut aussi y imprimerdes documents personnels ou professionnels provenant d'un CD-Rom. Les textessont mémorisés en faisant: "imprimer", mais c'est beaucoup plus rapide qu'uneimprimante, ça ne consomme ni encre ni papier. Les liens hypertextes sontmaintenus au niveau d'une reliure tactile.

Le projet est né à l'atelier Design de l'Ecole d'architecture de Strasbourg oùj'étais étudiant. Il est développé à l'Ecole nationale supérieure des arts etindustries de Strasbourg avec le soutien de l'Anvar-Alsace.

= En quoi consiste exactement votre activité professionnelle?

Mon projet de design est à l'origine du concept, en 1996. Aujourd'hui, jeparticipe avec d'autres à sa formalisation, les prototypes, design, logiciels,industrialisation, environnement technique et culturel, etc., pour transformerce concept en un objet grand public pertinent.

Nous développons aussi Mot@mot, une passerelle entre @folio et les fondsnumérisés en mode image, chez les éditeurs numériques ou dans les bibliothèquesnumériques, comme Gallica à la Bibliothèque nationale de France (35.000 ouvragesen ligne).

= Pouvez-vous présenter Mot@mot?

La plus grande partie du patrimoine écrit existant est fixé dans des livres, surdu papier. Pour rendre ces oeuvres accessibles sur la toile, la numérisation enmode image est un moyen très efficace. Le projet Gallica en est la preuve. Maisil reste le problème de l'adaptation des fac-similés d'origine à nos écrans delecture aujourd'hui: réduits brutalement à la taille d'un écran, les fac-similésdeviennent illisibles. Sauf à manipuler les barres d'ascenseur, ce qui nécessiteun ordinateur et ne permet pas une lecture confortable.

La solution proposée par Mot@mot consiste à découper le livre, mot à mot, dudébut à la fin (enfin, les pages scannées du livre…). Ces mots restent doncdes images, il n'y a pas de reconnaissance de caractères, donc pas d'erreurpossible. On obtient une chaîne d'images-mots liquide, qu'on peut remettre enpage aussi facilement qu'une chaîne de caractères. Il devient alors possible del'adapter à un écran de taille modeste, sans rien perdre de la lisibilité dutexte. La typographie d'origine est conservée, les illustrations aussi.

= Comment voyez-vous l'avenir?

Internet pose une foule de questions et il faudra des années pour organiser desréponses, imaginer des solutions. L'état d'excitation et les soubresauts autourde la dite "nouvelle" économie sont sans importance, c'est l'époque qui estpassionnante.

= Il existe deux modes de numérisation des textes: le mode image et le modecaractère. Lequel préconisez-vous?

Le mode image permet d'avancer vite et à très faible coût. C'est important carla tâche de numérisation du domaine public est immense. Il faut tenir compteaussi des différentes éditions: la numérisation du patrimoine a pour but defaciliter l'accès aux oeuvres, il serait paradoxal qu'elle aboutisse à focalisersur une édition et à abandonner l'accès aux autres.

Chacun des deux modes de numérisation s'applique de préférence à un type dedocument, ancien et fragile ou plus récent, libre de droit ou non (pour l'auteurou pour l'édition), abondamment illustré ou pas. Les deux modes ont aussi desstatuts assez différents: en mode texte, ça peut être une nouvelle édition d'uneoeuvre; en mode image, c'est une sorte d' "édition d'édition", grâce à un de sesexemplaires (qui fonctionne alors comme une fonte d'imprimerie pour du papier:une trace optique sur un support, numérique, c'est assez joli à réaliser).

En pratique, le choix dépend bien sûr de la nature du fonds à numériser, desmoyens et des buts à atteindre.

Difficile de se passer d'une des deux façons defaire. Mot@mot essaie de rendre le dilemme moins crucial.

= Utilisez-vous encore beaucoup de documents papier?

Oui, encore trop. J'ai renoncé au papier de mon agenda depuis le début del'année… Ça ne se passe pas trop mal. L'organiseur de poche est un substitutdu papier pour ce qu'il y a de plus primitif dans l'écriture: tenir des listes.Efficace. Jack Goody m'a fait voir ça cet été dans La raison graphique (éditionsde Minuit, 1978, ndlr), un bouquin écrit à la fin des années 70!

Et puis j'aime bien emprunter mes livres en bibliothèque. Ça consomme aussimoins de papier! J'y lis volontiers mes livres: les salles de lecture, leursilence, leur lumière sont des havres de sérénité dans la fureur des villes.

Avec le web et internet, le pronostic sur la consommation de papier estincertain. D'un côté, la logique du réseau et la dématérialisation des supports,e-mail, documents à jour exclusivement en ligne, leur accessibilité à distance,le déclin de la paperasse, etc. Mais d'un autre côté, il y a le besoin triviald'imprimer pour lire. Parce que la lecture s'accomode assez mal du nez collé surun tube cathodique.

Avec ou sans papier, l'évolution de la lecture est une chose remarquable avecinternet. Même les radios et les télés qui s'installent sur le web donnent descontenus à lire et des espaces pour écrire. L'air de rien, c'est une sacréeinnovation.

= Les jours du papier sont-ils comptés?

Fabriquer une encyclopédie nécessitait, il y a peu, des dizaines de kilos depapier, des kilos d'encre.

Aujourd'hui, ça tient sur une galette optique de 15grammes et coûte environ 10 fois moins cher que l'"ancien modèle" en papier.

Un stick de mémoire flash (pour la photo numérique, du MP3 ou @folio) pèse 2grammes et contient aujourd'hui jusqu'à 120 millions de caractères, l'équivalentde 5 volumes Petit Robert, soit 10 kilos de papier environ… et contrairementau papier, le stick est réinscriptible à l'infini, c'est mieux qu'un palimpseste;-) Mais il y a plus de papier dans le secteur de l'emballage que dans celui del'édition (journaux, livres) et le développement du e-commerce ne réduira pasles besoins d'emballage. L'atelier Design de l'Ecole d'architecture deStrasbourg a produit l'an dernier un superbe projet de mobilier urbain, un totemà l'échelle du quartier, hors gel, qui fonctionne comme une poste automatique,ouverte 7 jours/7 et 24 heures/24, où l'on vient retirer ses paquets, muni d'uncode d'accès envoyé par e-mail.

= Comment définissez-vous le cyberespace?

C'est un terme un peu obscur pour moi. Mais je déteste encore plus "réalitévirtuelle". Bizarre, cette idée de conceptualiser un ailleurs sans pouvoir ymettre les pieds. Evidemment un peu idéalisé, "sans friction", où les choses ontdes avantages sans les inconvénients, où les autres ne sont plus des "commevous", où on prend sans jamais rien donner, "meilleur" - paraît-il. Facile quandon est sûr de ne jamais aller vérifier. C'est la porte ouverte à tous les excès,avec un discours technologique à outrance, déconnecté du réel, mais ça ne prendpas.

Dans la réalité, internet n'est qu'une évolution de nos moyens de communication.Bon nombre d'applications s'apparentent ni plus ni moins à un télégraphe évolué(Morse, 1830): modem, e-mail… Les mots du télégraphe traversaient les océansentre Londres, New-York, Paris et Toyo, bien avant l'invention du téléphone.Bien sûr, la commutation téléphonique a fait quelques progrès: jusqu'àl'hypertexte cliquable sous les doigts, les URL (uniform resource locator) enlangage presqu'humain, bientôt accessibles y compris par les systèmes d'écriturenon alphabétiques…

Mais notre vrai temps réel, c'est celui des messages au fond de nos poches et deceux qui se perdent, pas le temps zéro des télécommunications. La segmentationet la redondance des messages, une trouvaille d'internet? Au 19e siècle, quandReuters envoyait ses nouvelles par pigeon voyageur, il en baguait déjàplusieurs. Nos pages perso? Ce sont des aquariums avec un répondeur, une radioet trois photos plongés dedans. Tout ce joyeux "bazar" est dans nos viesréelles, pas dans le "cyberespace".

= Et la société de l'information?

J'aime bien l'idée que l'information, ce n'est que la forme des messages. Lacirculation des messages est facilitée, techniquement, et elle s'intensifie. Etdésormais, le monde évolue avec ça.

= Quel est votre meilleur souvenir lié à l'internet?

Au tout début, quand vous réalisez le système: le matin, à l'heure où vous vouslevez, les derniers messages arrivent de la côte ouest de l'Amérique. Le jour sepasse et le soir, quand vous allez vous coucher, ce sont les tous premiersmessages qui arrivent des Dragons. C'est comme la lumière autour de la nouvellelune.

= Et votre pire souvenir?

Je ne l'ai pas gardé comme souvenir.

HENRI SLETTENHAAR [EN, FR]

[EN] Henri Slettenhaar (Geneva)

#Professor in communication technology at Webster University

Henri Slettenhaar has extensive knowledge of communication technology. He joinedthe European Center for Particle Research (CERN) in 1958 to work with the firstdigital computer and was involved in the development of CERN's first digitalnetworks. His US experience began in 1966 when he joined a team at the StanfordLinear Accelerator Center (SLAC) for 18 months to build a film digitizer.Returning to SLAC

in 1983, he designed a digital monitoring system, which wasused for more than 10 years. For nearly twenty years now he has been teachinginformation technology at Webster University, Geneva. He is the head of theTelecom Management Program created in Fall 2000. He is also a consultant fornumerous organizations.

In 1992, Henri Slettenhaar founded the (Swiss) Silicon Valley Association (SVA)and, since then, has been constantly networking between Switzerland andCalifornia, taking study groups to Silicon Valley. These study tours includevisits to outstanding companies, start-up, research centers and universities inthe Silicon Valley and in other high-technology areas such as San Francisco, LosAngeles, Finland, etc., with the aim of exploring new developments ininformation technology such as the Internet, multimedia, and telecommunications.Participants have the opportunity to learn about state-of-the-art research anddevelopment, strategies and business ventures through presentations anddiscussions, product demonstrations and site tours.

[Interview 21/12/1998 // Interview 23/08/1999 // Interview 30/08/2000 //

Interview 08/07/2001]

*Interview of December 21, 1998

= How did using the Internet change your professional life?

I can't imagine my professional life without the Internet. Most of mycommunication is now via e-mail. I've been using email for the last 20 years,most of that time to keep in touch with colleagues in a very narrow field. Sincethe explosion of the Internet, and especially the invention of the Web, Icommunicate mainly by e-mail. Most of my presentations are now on the Web andthe courses I teach are all web-extended. All the details of my Silicon ValleyTours are on the Web. Without the Internet we wouldn't be able to function.

AndI use the Internet is as a giant database. I can find information today with theclick of a mouse.

= How do you see the future?

I think I'll be relying more and more on it for information and activitiesrelated to my work. As for languages, I'm delighted there are so many offeringsin the original language now. I much prefer to read the original with difficultythan getting a bad translation.

= How do you see the growth of a multilingual Web?