Histoire de l’Erudit by Mohammad Amin Sheikho - HTML preview

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Chapitre 6

Benies Soient Tes Mains, Lionceau Du Quartier!

« Tu aurais dû l’atteindre et lui briser le crâne »

Au fil du temps, la chasteté a été jetée aux oubliettes ; les hommes ont abandonné les principes moraux et escorté l’honneur dans sa sépulture où ils l’ont enseveli, puis se sont tournés vers des moyens qui leur permettent d’assouvir leurs désirs infâmes.
Ils ont utilisé ce que Dieu leur a donné pour jouir d’un plaisir fugace, et se sont égarés au nom d’une vanité éphémère, vaine et intéressée dont la finalité n'est que souffrance, contrairement au dessein de Dieu qui consiste à les aider à atteindre l'au-delà.

Ils ont paré la terre de beauté et ont permis aux femmes de paraitre aux yeux de tous sous leur apparence la plus séduisante, ce qui a conduit à dire adieu à la vertu et de souhaiter la bienvenue au vice.

Tel est l’état actuel de l’humanité. Un sage a relevé cette situation incongrue en quelques mots: « Cette époque est à l'image de son peuple, et ce peuple reflète son époque ».

Les hommes ont perdu le sens de leur existence à cause de l'égarement de la raison. Ils ont oublié qu’Allah a mis en eux la soif des jouissances comme un moyen d'élévation et nom un moyen de perdition et d'épuisement inutile conduisant au plaisir mêlé de douleur. Si les hommes s‘abstenaient d’assouvir leurs désirs par des moyens illicites et cherchaient plutôt à satisfaire Dieu, Le Tout-Puissant leur permettrait de se faire plaisir par des moyens licites, et au jugement dernier, leur donnerait accès à plus de plaisir au Paradis.[17]

Il a promis à ses fidèles croyants, ceux qui auront contrôlé leurs caprices, d'avoir part aux Jardins de l’Eternité sous lesquels coulent des rivières. Ils y habiteront en vérité car Dieu dit:« Et pour celui qui aura redouté de comparaître

devant son Seigneur, et préservé son âme de la passion, le paradis sera alors son refuge.» [18]

Il y’a plus de soixante dix ans, la condition sociale n’était pas aussi alarmante et la dépravation des mœurs n’était pas aussi prononcée qu’aujourd’hui.

Les hommes se pliaient aux Lois Divines et professaient la religion par des actes concrets et publics, tant dans leur maison que dans la rue. Leur foi et leur dévotion quant à la mise en pratique des recommandations divines avaient influencé les croyants d’autres religions tels les Juifs et les Chrétiens, de sorte qu’aucune femme, musulmane ou non-musulmane, ne pouvait être aperçue dans les rues le visage découvert à cette époque là.

La débauche n’existait pas et personne n’enfreignait la Loi du Dieu Tout-Puissant.

L’histoire que nous allons vous raconter est une fidèle présentation de l’état des choses à cette époque de notre histoire. Elle présente un nouvel exploit d'un meneur d'homme, M. Amin, qui était une incarnation de l’ardeur et du zèle islamiques dans tout leur entendement, et qui avait réussi à anéantir les puissances des esprits maléfiques dirigées par le diable, au point d'éteindre leurs traits enflammés.

Cher lecteur, revisitons un peu l’époque où se déroule cette histoire, lorsque monsieur M. Amin n'avait que neuf ans. Ce dernier, après s'être amusé dans le quartier, reprit le chemin du retour en compagnie de ses amis qui lui parlaient, enivrés de joie.

Les garçons avaient atteint l’embranchement qui menait à la maison de monsieur M. Amin, située en face du Bain d’Al-Ward, dans l’un des quartiers du marché Sarujah à Damas.

En passant devant l’une des maisons de cet embranchement, il constata que la porte était entr'ouverte. Puis une jeune fille de douze ans déploya sa tête dénudée à travers cet entrebâillement, dévoilant ainsi son magnifique visage, sous prétexte de chercher son petit frère hors de la maison.

A ce moment, des sentiments de jalousie, de fierté et d’honneur envahirent le jeune monsieur M. Amin, car cet acte de dévoilement était totalement proscrit dans les sociétés musulmanes pendant la dernière décennie du XIXe siècle. Devant ce spectacle, il ramassa un gros caillou qu’il lança en direction de la fille. Mais cette dernière ferma rapidement la porte, consciente qu’elle en était la cible à cause de l’infraction qu’elle avait commise. Le caillou atteignit donc la porte de la maison et la fendit, suite à la forte collision.

Puis, le pieux et honnête garçon continua sa marche vers sa demeure, après qu'il eut suscité dans le cœur de la fille un sentiment de peur. Il avait ainsi été un moyen de dissuasion qui l’empêcherait de commettre à nouveau ce type d’infraction ou de transgresser l’interdit. La jeune fille réalisa que son infraction aurait été sur toutes les lèvres, et que l’opinion publique l'aurait considéré comme un énorme scandale.

Quelques heures s’étaient écoulées lorsque le père de cette fille rentra sur le dos de son cheval. C’était l’un des valeureux hommes du quartier. Lorsqu’il regarda la porte de sa maison, il constata qu’elle était fendue. Alors, il interrogea quelques garçons du quartier pour en connaitre la raison. Ils lui racontèrent comment monsieur M. Amin avait vu sa fille sortir sa tête de l’entrebâillement de la porte, dévoilant ainsi son visage, et par conséquent lui avait lancé un caillou qui ne l’atteignit pas, mais cassa plutôt la porte. Sur ce, le père de la fille attela aussitôt son cheval à un anneau (prévu à cet effet) fixé sur la porte de sa maison, et se dirigea directement vers la maison du jeune maître M. Amin et frappa à la porte.

C'est par La volonté de Dieu que M. Amin lui-même ouvrit la porte à cet homme qui l’embrassa et lui baisa le front en disant: « Que tes mains soient bénies, lionceau du quartier! Mais pourquoi ne l’as-tu pas atteinte au point de lui briser le crâne?! »

Oui, et L’homme loua l’acte du jeune garçon. En vérité, lorsqu’il s’en alla au café où les hommes du quartier se rassemblaient pour discuter de leurs affaires, il monta au créneau et dit d’une voix forte: « Mes frères, gloire à Dieu. En effet, nous vivons encore dans une bonne communauté, car lorsque nous sommes absents, nos enfants défendent notre honneur. »

Puis il leur raconta avec grande estime ce que le jeune monsieur M. Amin avait fait.

Cette histoire nous enseigne la morale poétique qui dit:

« Les nations subsistent aussi longtemps que perdure

leur morale ; mais si leur morale meurt, elles mourront également. »