Après la mort de son père et le voyage de son grand frère, monsieur Mohammed Amin - qui avait à peine douze ans resta seul avec sa mère dans la maison familiale. Ainsi, son oncle maternel et sa famille vinrent habiter avec eux.
Et dès les premiers jours de cohabitation avec cette nouvelle famille, la tante du jeune garçon n’était pas contente de voir que la pièce à l’étage, spacieuse et ensoleillée, était occupée par le petit garçon et sa mère. Elle entreprit alors une campagne de diffamation et demandait inlassablement à son mari de les faire sortir de cette pièce afin qu’elle puisse l’occuper. Celle-ci ne s'arrêta que lorsque son mari se plia à ses exigences.
L’oncle retira les meubles de cette pièce et les fit descendre dans une pièce étroite et inconfortable, qui puait la moisissure du fait que les rayons du soleil ne pouvaient y pénétrer. En dépit de l’état de cette pièce, les affaires du petit garçon et de sa mère y ont été transférées.
Lorsque monsieur Mohammed Amin retourna à la maison, il trouva sa mère déprimée et abandonnée à elle-même à cause de la conduite injuste de son frère. À ce moment précis, une idée lui vint à l’esprit, mais il la garda pour lui.
Il décida ensuite de régler la situation à sa manière et de dissuader le malfaiteur de ses méfaits.
En soirée, alors que régnaient le calme et le silence, son oncle maternel était assis dans la cour tirant avec délectation son narghilé. À ce moment, le jeune garçon prit son courage à deux mains et entra par la porte de la maison, tirant derrière lui une jument dont les sabots, au contact du sol carrelé, produisaient un grand bruit assourdissant et agaçant.
L’oncle sortit aussitôt. Rouge de colère, il cherchait à savoir qui était à l'origine d'un tel vacarme afin de le réprimander, l'arrêter et même le passer à tabac.
Lorsqu’il vit son neveu avec sa jument, il s’adressa à lui tout enflammé, le courroux dans les yeux en disant: « Que fais-tu? Comment peux-tu traîner une jument dans la maison? Ramène-la immédiatement à sa place. »
Il prononça ces paroles sur un ton élevé, hautain et d'une voix qui traduisait sa colère.
Le courageux garçon poussa un hurlement en pointant du doigt la petite pièce du coin qui était auparavant désertée. Il regarda sévèrement son oncle et dit: « Al-Assilah (la jument) passera la nuit dans cette pièce. »
L’oncle était abasourdi. Il ne savait pas ce qui lui était arrivé. C’était la première fois qu’il voyait son neveu dans cet état.
Bien avant ces événements, il connaissait son neveu comme un enfant doux et adorable; un enfant aux cheveux lisses et blonds; un enfant aux magnifiques yeux verts. Cette fois-ci il voyait de la furie, un regard foudroyant qui le pénétrait profondément et lui fendait le cœur.
Un étrange sentiment d’une grande terreur s'empara de lui, pour se transformer en une violente atteinte dans ses profondeurs, à tel enseigne qu’il souhaitait posséder le monde tout entier juste pour l'offrir en échange d’être libéré de cette situation.
En effet, c'était une situation inhabituelle qui, pour lui, demeurait incompréhensible.
Avec la plus grande simplicité et l’abandon de soi, il revint sur le droit chemin et leur promit que tout rentrera dans l'ordre. Ainsi, devant l'engagement à rétablir la justice et à réparer ses torts, l'homme finit par renoncer à son acte d'injustice. À contrecœur, il remit leurs bagages et meubles dans la pièce spacieuse et aérée qui, elle, laissait entrer les rayons du soleil.
Sa surprise en découvrant ce côté impétueux du petit garçon était si grande que par la suite, il fit part à un membre de sa famille de la stupeur dont il fut frappé en voyant son neveu dans cette terrible et effroyable scène. Il raconta comment, au moment de la rencontre, cet agréable, gentil et beau garçon était entouré d’une sorte de respect profond associé à un type de pouvoir capable de renverser les montagnes.
Quel était le secret derrière cette réalité?
Quelle était la réalité derrière ce fait?
Il ne savait pas, ou plutôt, il n’osait pas se souvenir de la réaction de son neveu.
Une panique épouvantable le dévorait, chaque fois qu'il rencontrait le jeune garçon, au point où il avait l’impression que ce dernier n’était plus le neveu qu’il avait connu.
Tel était le sentiment accablant qui, pesant sur ses épaules, rongeait en lui la tyrannie et l'arrogance.
La morale de l’entrée de la jument dans la pièce:
La voix de son cœur parla et dit: « Cher oncle! Tu as sacrifié ton humanité et ta compassion afin d’assouvir tes désirs au point où tu as considéré ta propre sœur et son fils comme des bêtes, en voulant les loger dans une pièce qui ne ressemble à rien d’autre qu’à une étable. Non, cher oncle! Nous sommes des êtres humains! Seuls les animaux vivent dans des étables. »
Lorsque le sens de justice ancré en lui se heurta à l'esprit d'injustice de son oncle, son désir ardent de rendre justice écrasa les méfaits de son oncle. Ainsi, Il aida ce dernier à revenir à la raison et à se remettre sur le droit chemin, afin de ne plus jamais poser, après cet incident, un acte aussi odieux.