CHAPITRE 21
Dehors, la luminosité était éclatante, presque éblouissante. L'herbe parfaitement tondue était d'un vert de jade, les fleurs montraient fièrement leurs couleurs chaudes intenses qui embaumaient l'atmosphère.
Les arbres croulaient sous leurs fruits, des légumes de toutes sortes étaient prêts à être ramassés dans le potager.
Les oiseaux chantaient joyeusement, les mammifères gambadaient, paissaient ou se reposaient au soleil. Tout ressemblait à l'idée que les garçons se faisaient du paradis.
A part un léger détail, ils pouvaient ressentir tous ces êtres et ces plantes si elles se trouvaient à moins d'un mètre. Chaque petit insecte caché, chaque brin d'herbe, chaque caillou donnait l'impression d'avoir sa conscience propre et les garçons ressentaient à chaque instant ce qui les entourait.
Marcher sur l'herbe paraissait presque un sacrilège dans ces circonstances. Ils suivirent donc le chemin de dalles.
Le moindre bruit, la plus petite sensation accaparant leur attention, ils s'avancèrent en silence jusqu'à la rivière.
Contrairement au monde précédent, de nombreux poissons, crustacés et palmipèdes peuplaient cet endroit. Une symphonie de bruits disparates emplissait la berge d'où l'on distinguait un petit pont japonais.
Dans le lointain on apercevait une réverbération bleue-argentée agrémentée d'un léger grondement régulier.
En poussant plus avant, les deux camarades découvrirent un océan majestueux parcouru d'une longue plage de sable blanc qui semblait ne jamais avoir été foulée par un pied humain. Le flux et le reflux des vagues renforçait la puissance méditative de l'endroit.
Pour discuter plus à l'aise ils s'allongèrent sur le sable fin, côte à côte face à la mer, les yeux tournés vers l’horizon.
" C'est un monde fantastique, pourquoi le quitter ? laissa échapper Bruno.
- Dans quelques temps, si nous restons ici, il finira par disparaître peu à peu. Rappelle-toi ce qu'a dit la voix.
- Ça paraît impossible.
- Je sais.
- Que dit ton grand-père là dessus ?
- Peu de choses à vrai dire, il décrit l'environnement fabuleux mais rien d'autre. Peut-être n'est il pas allé plus loin.
- Tu crois que les tests sont tellement durs qu'il n'a pas réussi ?
- Possible.
- Ça fait froid dans le dos ! Que fait-on pour Cyrille ?
- On peut l'attendre quelques temps et profiter des merveilles qui nous entourent, puis, si elle réapparait, nous passerons les tests ensembles.
- Ça me va." Acquiesça Bruno.
L'océan bleu-turquoise laissait miroiter ses reflets chatoyants. L'eau était tiède et si limpide que les fonds et la faune marine se distinguaient sans équipement. Pour joindre le geste à la parole, ils se déshabillèrent avant d'y plonger. L’eau tiédie par le soleil enveloppait leur corps, bercé par les vagues, d’une douce chaleur aux embruns délicats.
* * *
Pendant ce temps, Cyrille, recroquevillée sur sa paillasse, était de nouveau en proie au même cauchemar.
Jules s'avançait, les copines rigolaient, et elle devait prendre une décision.
Son cerveau tournait au maximum.
Soudain, dans un éclair de génie, elle se leva et, prétextant une nausée subite, couru vers les toilettes.
Jules, interdit, la regarda passer et s'approcha des filles pour leur demander si tout allait bien pour son amie.
Les copines de Cyrille, d'abord surprises, s'esclaffèrent et l'une d'entre elle ajouta même que pour être partie si vite elle devait être enceinte de Jules.
Celui-ci alla voir si sa camarade se portait bien tout en lui faisant part de la remarque méchante dont elle avait fait les frais. Forte de cette révélation bouleversante, Cyrille prit une décision soudaine, elle laissa tomber les trois pimbêches, et décida que les vrais amis, mêmes impopulaires, valaient mieux que des faux-culs.
C'est en se débattant dans des draps en soie verts reposant sur un matelas moelleux que se poursuivit sa nuit agitée.