CHAPITRE 30
Les deux autres qui avaient suivi leur camarade restaient bien en retrait afin de préserver, le plus possible, leur intimité.
Quand l'émotion des deux frères fut retombée, ils s'approchèrent, complétant ainsi la compréhension émotionnelle déjà quasi parfaite qu'ils avaient du nouveau venu.
Les émotions leur ayant ouvert l'appétit, tous les quatre décidèrent d'aller s'attabler dans un restaurant de spécialités japonaises très apprécié de Grégoire. La serveuse, ayant lu dans leur cerveau ce qu'ils y étaient venus manger, fit apparaître un chirashi à l'anguille pour son client habituel ainsi que divers sushis et sashimis pour ses trois nouveaux clients.
Dans ce monde, le concept de client revêtait un sens alternatif. Les personnes qui tenaient des lieux de convivialité n'avaient d'autres buts que de faire connaître ce qu'ils appréciaient. En effet, il n'était pas possible d'imaginer un objet ou un plat inconnu pour le faire se matérialiser. Il fallait, soit s'approcher assez de celui ou celle qui le connaissait pour lire dans ses pensées ou bien émettre le désir que cette personne le fasse apparaître. Bien sur, aucun coût n'étant associé à ces pratiques, tout était toujours gratuit, la connaissance et l'expérience étant généreusement partagées avec bienveillance.
Les habitants auraient pu décider de ne plus jamais avoir faim, car telle était la puissance de ce monde. Toutefois, leur plaisir et leur expérience en aurait été plus limités.
Ils apprécièrent chaque bouchée avec délectation, ressentant tout à la fois les saveurs subtiles et l'enthousiasme des convives aux alentours. Chaque sensation était démultipliée et sublimée par la présence des autres, de leurs émotions, de leurs pensées.