Soledades by Patrick Durantou - HTML preview

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IV. NUEVAS CANCIONES

 

§ 1. Des trois recueils, Nuevas Canciones, le véritable troisième livre du poète est l’ouvrage le plus disparate. Gabriel Pradal Rodríguez{1} juge l’œuvre comme un « livre hétérogène ». Sa composition fut édifiée à des dates différentes, certaines pièces ont été écrites dès 1913. Cet aspect hétéroclite de l’œuvre révèle le manque d’unité et reflète selon B. Sesé{2}, un « tarissement de l’inspiration machadienne ». L’œuvre commence par un long poème, « Olivo del Camino » (CLIII), où se mêlent visions champêtres et mystiques qui traduisent de façon inégale et emphatique, les vœux de fertilité du poète pour sa terre d’Andalousie. Subséquemment, de courtes pièces réunies sous le titre Apuntes, aux titres, « Tierra de Olivar », et, « Hacia tierra baja », offrent, gracieusement, comme des cantares, un reflet de la campagne autour de Baeza, de la Sierra Morena, de Cordoue avant Galerías et ses paysages mélancoliques. Des poèmes de Nuevas Canciones, nous relevons un intérêt pour Proverbios y Cantares dédiés à J. Ortega y Gasset. Proverbios y Cantares est un ensemble de cent trois pièces, très courtes (certaines n’ont que deux ou trois vers), composées sous la forme sentencieuse de maximes, d’apophtegmes qui sont des méditations philosophiques similaires aux Proverbios morales du Rabin Don Sem Tob de Carrion, d’ailleurs cité par Machado. La brièveté de ces sentences au ton incisif et non dénié d’humour, recèle de façon concentrée, un ensemble des méditations, des réflexions qui résument la thématique de l’auteur. Proverbios y Cantares constitue, t une véritable maïeutique, déjà traduite dans les vers :

Para dialogar,

preguntad primero ;

después… escuchad.

§ 2. Cette poésie sous forme de coplas populaires revêt parfois des accents hermétiques, que l’auteur nommait « néo-barroques », comme dans la sentence pythagorique :

Sólo quede un símbolo :

quod elixum est ne assato.

No aséis lo que esta cocido.

Ceci revient à affirmer ce que nous retrouvons dans une pièce suivante, que l’on ne doit pas produire de l’art avec ce qui présubsiste à l’art, la nature, mais avec l’art. Cette thématique n’est pas seulement esthétique mais aussi personnelle pour le poète pour qui la poésie, comme le souligne finement José María Valverde, est « expression profonde et totale du vivre et du penser 'ainsi' qu’algèbre supérieur de métaphores » {1}. Dans leur ensemble, ces coplas possèdent cependant un sens universel – par-delà l’attrait « maçonnique » de Machado similaire à celui d’un G. de Nerval pour les mystères au parfum avant-gardiste. Ce ne sont pas seulement des axiomes moraux, identiques à ceux de Campos de Castilla, mais comme nous l’avons vu précédemment, des pièces qui préfigurent la pensée des apocryphes :

El ojo que ves no es

ojo porque tú lo veas ;

es ojo porque te ve.

Cette courte pièce, comme de nombreuses des Proverbios y cantares, renforce le travail passé et présent des exégètes et critiques du créateur, de déceler déjà dans l’œuvre, la deuxième mouvance du poète vers une poésie où domine la question de l’autre, de l’autreté (la otredad), d’une quête forcenée contre l’intimisme solipsiste que certains, comme J.M. Valverde désignent par la « lutte de toujours de Machado » {1}. Dans les coplas III, IV et VI, nous pouvons discerner déjà les prémices de la métaphysique d’Abel Martín :

Mis ojos en el espejo

son ojos ciegos que miran

los ojos con que los veo.